100 ans de logement social à Rennes

Logement et urbanisme
immeuble

En 1919, l’office public des Habitations à Bon Marché, l’ancêtre d’Archipel habitat est créé à Rennes. En un siècle, la construction des logements sociaux a donné un visage bien spécifique à la ville. Rennes est même devenue un véritable creuset d’expérimentations, source d’inspiration pour d’autres villes de France. Suivez-nous dans ce web documentaire à  travers un siècle de logement social à Rennes. 

Les premières initiatives 

Au XIXe siècle, à Rennes comme partout ailleurs en France, une partie de la population vit dans des conditions d’insalubrité inquiétantes : les taudis sont nombreux et la tuberculose y fait des ravages. Alertées par les médecins, les autorités locales puis nationales, décident de promulguer des lois encadrant la création de logements sains. 
 

Mesures de salubrité publique du Maire de Rennes
Mesures de salubrité publique du maire de Rennes.

Dès 1830, de timides initiatives en faveur du logement social émergent : en 1894, la loi Siegfried permet la création de comités de patronage des habitations à bon marché (HBM), qui se développent dans toute la France. A Rennes, de petites sociétés coopératives, La Ruche et Ma maison, se constituent à partir de 1902. Leur objectif : construire collectivement de petites maisons individuelles en bandes, avec des matériaux locaux. En 1912, la loi Bonnevay est un tournant majeur : elle permet la création des offices publics d’habitations à bon marché. Le premier Office public est créé à La Rochelle dès 1913, puis un autre est lancé à Nantes la même année. Celui de Rennes, l’ancêtre d’Archipel Habitat, est constitué en 1919, il y a tout juste 100 ans ! 

Le projet de construction du Foyer rennais et de deux résidences étudiantes est lancé, ainsi que deux autres cités au sud de la gare pour les cheminots. En 1932, les premiers locataires emménagent au Foyer rennais. 

Le Foyer rennais, première construction sociale de Rennes

Réalisé entre 1928 et 1933, le Foyer rennais, un ensemble de 155 logements, situé rue de Nantes, est la toute première construction sociale de Rennes. Esquissé tout d’abord par Hyacinthe Perrin, le projet de cette cité ouvrière est finalement confié à l’architecte Emmanuel Le Ray. Simples et à prix modéré, les appartements du Foyer rennais sont destinés aux familles des ouvriers de l'arsenal et de la gare. Avec leurs toitures en tuile rouge, du béton sur soubassement de schiste et frises en brique rouge, ces appartements s’inspirent des modèles anglais et allemands de la cité-jardin. L’architecture du Foyer rennais est un exemple unique à Rennes. 

Le Foyer rennais.
Le Foyer rennais. (C. Diais)

L’après-guerre, un tournant pour le logement social

Après la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle ère du logement social commence. La loi du 21 juillet 1950 change l’appellation HBM en Habitation à loyer modéré (HLM). A cette époque, Rennes accuse un profond retard en matière de logement social. Les foyers sont surpeuplés et les conditions de vie précaires. Dans les années 1950, « Rennes possède 16 000 immeubles d’habitation. 90 % n’ont pas de douche, 60 % n’ont pas de WC intérieurs, un tiers ne possède ni eau courante ni tout à l’égout. Et moins d’un logement sur cinq dispose d'un  chauffage central », rappelle l’historien Benjamin Sabatier. C'est l'époque de l’appel de l’Abbé Pierre, en 1954. Une cité d’urgence est créée à Cleunay la même année pour répondre aux besoins urgents de logements. 

La cité d'urgence de Cleunay.
La cité d'urgence de Cleunay. (Archives de Rennes)

93 logements sont construits en 100 jours ! Environ 5 000 habitants viennent s’y installer progressivement et y trouver des conditions de logement un peu plus confortables que celles qu’ils connaissaient jusqu’à présent. Les maisons sont très simples : une entrée qui fait office de cellier, une chambre, un séjour, un WC. Ces logements provisoires vont finalement être occupés pendant plusieurs décennies. Les derniers occupants seront relogés seulement dans les années 1980. De cette cité d’urgence ne reste aujourd’hui plus qu’un mur de pierre, rue Ferdinand-de-Lesseps.

Une enfance dans la cité d’urgence

Didier Oria et Loïc Luton.
Didier Oria et Loïc Luton. (C. Diais)

Didier Oria et Loïc Luton sont arrivés dans la cité d’urgence de Cleunay dès 1954. « J’y ai fait mes premiers pas ! » raconte Didier Oria. « On avait quitté un logement rue Lobineau qui était beaucoup trop petit pour nous. Nous étions huit frères et sœurs et trois autres sont nés dans la cité d’urgence ! » 
Loïc Luton est arrivé avec ses parents et ses six frères et sœurs la même année. Auparavant, sa famille était logée au camp Victor-Rault, des baraques initialement construites pour accueillir des réfugiés espagnols, qui furent ensuite utilisées après-guerre pour reloger les sinistrés. 


« L’hiver, les carreaux étaient gelés »
A la cité d’urgence, les logements sont vétustes, le confort est rudimentaire et l’isolation inexistante : « L’hiver, les carreaux étaient tout le temps gelés ! Notre mère faisait réchauffer des briques dans la cuisinière à bois pour réchauffer nos lits », raconte Loïc. « Les maisons n’étaient faites qu’avec des parpaings. Heureusement, mon père qui était bricoleur, avait bien arrangé notre logement », ajoute Didier. 
Il se souvient en outre des bonnes relations que ses parents entretenaient avec leurs voisins. « On s’entraidait tout le temps ! » Dehors, les bandes de gosses jouaient ensemble et allaient à l’école du quartier. Pourtant, la cité d’urgence jouit d’une fort mauvaise réputation à Rennes.  « C’était en partie justifié, il y avait souvent des bagarres, beaucoup d’alcoolisme, raconte Loïc. Les gars de Maurepas, ils ne venaient pas faire la loi à Cleunay ! » 
Les maisons sont dotées chacune d’une petite cour, où de nombreux habitants élèvent des poules et des lapins pour améliorer l’ordinaire. Le marchand de charbon vient faire ses livraisons à cheval. Autour de la cité d’urgence : des champs et de vergers. « Il y avait beaucoup de maraîchers installés alentours. Tous les matins, j’allais chercher le lait à la ferme ! » se souvient Loïc. 


« Quand on a rasé la maison, mon père pleurait »
Les deux hommes, qui habitent toujours Cleunay aujourd’hui, se souviennent de la construction des premiers HLM du quartier, dont le « Grand bleu » de neuf étages. Malgré les conditions de vie difficiles, l’attachement à cette cite d’urgence était fort. Loïc Luton se souvient encore des larmes de son père : « En 1986, quand ils ont rasé la maison, il pleurait en regardant la pelleteuse ramasser les gravats. » 

Les grands ensembles des années 1960

Quelques années plus tard, la Ville instaure son Plan local d’urbanisme, initiant la construction de trois grands ensembles dans les quartiers de Maurepas, puis de Villejean et du Blosne. Là encore, il s’agit de loger une population de plus en plus importante, issue de l’exode rural et de l’immigration. Les chiffres sont éloquents : de 114 000 habitants en 1946, Rennes passe à 152 000 en 1962 pour frôler les 200 000 en 1975, soit presque un doublement en 30 ans. À partir de 1956, le premier grand ensemble rennais est construit dans le quartier de Maurepas dans le cadre de la réalisation d’un « secteur industrialisé ». Les Zones à urbaniser en priorité (Zup) de Villejean et du Blosne suivront en 1962 et 1966. 

Les premières tours de Maurepas.
Les premières tours de Maurepas. (Archives de Rennes, 350Fi104_2, fonds Mesny)

Jean-Gérard Carré, architecte des grands ensembles

Jean-Gérard Carré.
Jean-Gérard Carré. (Céline Diais)

Il a 93 ans mais se souvient avec enthousiasme de cette période si particulière qui vit naître ces immenses tours de plus de quinze étages à Rennes. Jean-Gérard Carré, qui a toujours travaillé en étroite collaboration avec sa femme Marie-Anne, a coordonné de nombreuses opérations. « À Rennes, nous avons réalisé environ 8000 logements dont 7000 HLM » précise l’architecte. Un travail titanesque. Mais le jeune architecte de l’époque n’a pas froid aux yeux et est heureux de participer à cette aventure technique et humaine. « Ce furent des commandes importantes pour un si jeune architecte ! » raconte-t-il, les yeux pétillants de fierté. 


« 1 500 logements dans des conditions rapides et difficiles »
Le premier grand chantier est celui de la Zup du Gros-Chêne, que Jean-Gérard Carré mène avec Jean-Michel Legrand et Jacques Rabinel, deux architectes parisiens. L’école Trégain est déjà là et l’architecte se doit de l’intégrer dans le programme : « C’était le parti-pris architectural : un terrain en couronne et des tours en hauteur. » Le chantier du Gros-Chêne démarre en 1956. « Quand le projet du Gros-Chêne a démarré, je sortais à peine de l’école d’architecture. Nous avons réalisé 1 500 logements dans des conditions rapides et difficiles », raconte-t-il. Les procédés utilisés avec une structure en béton armé, sont novateurs pour l’époque. En deux ans, les travaux sont réalisés. 
Une fois cette opération de grande envergure réussie, les Zup de Villejean puis du Blosne sont mises en route. « À Villejean, le programme était de 1 144 logements. Nous avions des procédés de préfabrication plutôt lourds mais ce fut très rapide. Nous avons aussi voulu faire travailler les entreprises de la région comme la briqueterie d’Apigné » La Zup Sud, avec ses 2 383 logements, n’obéit pas à la même philosophie : « C’était une série de tours avec plus d’espaces verts qu’à Villejean. Cela évitait les vis-à-vis. » 


Une seconde vie
Aujourd’hui, la réhabilitation de ces grands ensembles est en cours au Gros-Chêne, le « bébé » architectural de Jean-Gérard Carré : « Je suis heureux de voir que ces tours tiennent toujours debout, qu’elles sont toujours valables. Désormais il y aura des duplex, là où nous avions prévu des celliers il y a plus de 60 ans !  C’est sa deuxième renaissance, car nous avions procédé à une première mise aux normes 30 ans après sa construction. A présent elles vont vivre une nouvelle vie. Ça me fait très plaisir ! »


 

enfants jouant au Blosne
Enfants jouant au Blosne. (Archives de Rennes, 350Fi1045_016, fonds Michel Ogier)

Lucienne Mazurais, habitante du quartier du Blosne depuis 1971

Lucienne Mazurais
(C. Diais)

Les grands ensembles construits à Rennes répondent aussi à une demande spécifique, que l’on qualifie souvent « d’effet Citroën » : Rennes doit accueillir les ouvriers de Citroën, implantée à La Janais en 1961. L’usine emploie près de 14 000 individus dans les années 1970, qui doivent trouver des solutions de logements. Aujourd’hui encore, certains habitants vivent toujours dans ces logements construits à partir des années 1960.

Ici, Lucienne Mazurais connaît tout le monde, salue ses voisins dans l’ascenseur, et passe ses journées à sillonner les allées de son quartier : « Je vais souvent voir mes copines ! » sourit-elle, alerte et enjouée. « En juillet, ça fera 48 ans que je suis là ! » Avec son mari, ouvrier chez Citröen, ils avaient quitté un logement exigu en centre-ville de Rennes pour s’installer dans cet appartement du Blosne avec leurs deux enfants. « C’était tout neuf quand nous sommes arrivés en 1971. Les logements n’étaient même pas finis. Tout était en travaux autour de nous ! Tout le monde est arrivé dans l’immeuble entre juillet et septembre. Le centre commercial Italie n’était pas encore construit. On prenait le bus et on faisait nos courses au Landrel », se souvient Lucienne. Dès l’année suivante, la jeune femme commence à travailler comme assistante maternelle. Son mari est employé d’abord sur le site de la Barre Thomas avant de rejoindre La Janais puis une succursale à Chantepie. De tout temps, Lucienne s’est impliquée dans la vie associative de son quartier. 


Impliquée dans la vie du quartier
Aujourd’hui, elle siège au conseil d’administration d’Archipel Habitat pour la CLCV, (Consommation, logement et cadre de vie), une association nationale de défense des consommateurs et des usagers. « Je fais aussi partie de la commission d’attribution de logements. On donne notre avis. Parfois, quand on voit des familles qui vivent avec moins de 10 € par jour et par personne, à qui on arrive à attribuer un logement, je dis chapeau ! »  explique Lucienne, issue d’un milieu populaire, et pour qui les fins de mois ont parfois été difficiles. En 2008, quand elle intègre la commission des appels d’offres du bailleur social, les chiffres lui donnent le vertige : « Je n’avais jamais parlé en millions d’euros de ma vie ! Et je n’avais jamais eu l’occasion de discuter avec des architectes ou des juristes ! » Elle ne quitterait son quartier pour rien au monde. « Regardez ce que je vois de ma fenêtre : des arbres, des jeux pour les enfants, l’église. Qu’est ce qu’on pourrait avoir de mieux ? »

Un modèle remis en cause

Néanmoins, si les grands ensembles ont permis de reloger une grande partie de la population en lui donnant accès à des logements plus confortables et plus modernes, dès 1965, le modèle est remis en cause. En 1973, le ministre de l'Equipement et du Logement, Olivier Guichard, signe une circulaire marquant la fin de la construction des grands ensembles, porteurs selon lui « ségrégation sociale ». Une époque à revivre grâce à l'INA : 


 

Finis les grands ensembles. Place à la dispersion des logements sociaux sur toute la ville ! La fin des années 1970 est marquée par l'opération « 1 000 logements sociaux en centre ville », initiée par l’équipe municipale d'Edmond Hervé. Par des opérations d’acquisition-rénovation ou de constructions neuves, l’Office en réalisera près de 800.

Cartes postale : Rennes Maurepas.
(Archives de Rennes, 100Fi862)

"Aujourd’hui encore Rennes innove !"

Benjamin Sabatier, historien spécialiste du logement social, revient sur les spécificités du logement social rennais, à plusieurs étapes de son histoire.

Benjamin Sabatier.
(C. Diais)

Dès la création du Foyer rennais, Rennes imprime sa marque ?
Benjamin Sabatier : « Il y a tout d’abord une inspiration qui vient de l’extérieur. Pour réaliser Le Foyer rennais, l’architecte Emmanuel Le Ray se rend à Strasbourg, au quartier du Port du Rhin. Là-bas, il observe qu’on y fait du tout collectif, ce qui permet de construire davantage de logements, et que l’on y adjoint aussi des commerces. L’idée c’est aussi de ménager des espaces verts avec des cours, des espaces pour les enfants et même des garages destinés à certaines professions (chauffeurs, livreurs, etc.). Il est aussi nécessaire de privilégier une bonne exposition au soleil. Ces idées nouvelles sont importées à Rennes, en ajoutant une spécificité territoriale forte avec l’utilisation de matériaux locaux comme le schiste violet. A la même époque, sont construites deux cités étudiantes, en soubassement granit et moellons de grès. Le sol et les lambris sont en mosaïques d’Odorico. »


Dans les années 1960 et la construction des grands ensembles, y a-t-il de la place pour des initiatives locales ?
B.S. : « A cette époque, Rennes n’échappe pas à l’industrialisation du logement. La cité Rotterdam, toujours à Strasbourg, sert de prototype, avec un procédé de préfabrication en béton armé pour faire du logement à grande échelle. Mais à Rennes, les architectes ont à cœur d’utiliser des matériaux vernaculaires : à Maurepas, on utilise une base de schiste pour le premier œuvre. De plus, à cette époque, la cité bretonne se trouve à la pointe des réflexions en matière de logement social. En effet, cette opération comprend un foyer de jeunes travailleurs, mais également un foyer pour personnes âgées, des commerces et des salles de réunions d’associations au pied des tours. Ces locaux collectifs résidentiels sont les premiers réalisés en France et vont servir de modèle pour les autres grands ensembles en France. Dans cette période va aussi être initié le dossier unique : les locataires déposent un seul dossier, adressé à l’ensemble des bailleurs sociaux. Puis, dans un second temps, la commission d’attribution devient également unique. De manière générale, Rennes est alors un véritable creuset d’expérimentations qui seront appliquées à plus large échelle sur l’ensemble du territoire. »


Quelles innovations après les grands ensembles ?
B.S. : « A partir de la fin des années 1970, le logement social obéit à une autre échelle. Il s’agit de réhabiliter des logements sociaux déjà existants et de partir à la conquête du centre ancien. Depuis les années 1990, Archipel Habitat a aussi commencé à construire dans les communes limitrophes. Avec l’arrivée de la Métropole en 2000, la réflexion sur le logement social change d’échelle et dépasse les limites communales. Le moment important est la mise en place d’un premier PLH à partir de 1995 (une des premières communes de France après Nancy) qui cherche à équilibrer la construction des logements sociaux à l’échelle intercommunale. Le PLH tel qu’on le connaît est mis en place par la Métropole en 2005 et impose des règles très contraignantes comme 25% de locatif aidé, 50% d’habitat collectif. La création de Rennes Métropole ne fait finalement que confirmer les orientations prises auparavant. Aujourd’hui encore, Rennes innove, notamment avec le loyer unique qui a démarré en 2018. »

Les nouveaux défis du logement social

Cécile Bélard du Plantys
Cécile Bélard du Plantys, directrice d’Archipel Habitat. (Richard Volante)

A Rennes, les réhabilitations de ces quartiers engagées depuis plusieurs décennies, en concertation avec les locataires, ainsi que les nouvelles constructions et les logements en centre-ville tentent de favoriser la mixité sociale. Dans cette perspective, Archipel Habitat va réhabiliter 1 250 logements, dont les dix célèbres tours de Maurepas, construites à la fin des années 1950. Les premiers immeubles concernés sont les tours 5 et 7 du boulevard Emmanuel-Mounier et ceux, tous proches, de la rue de la Marbaudais. Cécile Bélard du Plantys, directrice d’Archipel Habitat, présente ce chantier atypique. 

Vous avez choisi de rénover sans démolir. Pourquoi ?
Cécile Bélard du Plantys : « Tous les logements sont occupés. Pourquoi les détruire s’ils répondent à un besoin ? Nous ne pourrions jamais en reconstruire autant, au même endroit ni au même prix de sortie. A contrario, la structure architecturale de ces tours autorise leur rénovation en profondeur pour diversifier l’offre locative, moderniser les logements et changer l’image du quartier. De vrais leviers qui favorisent la mixité sociale.
Nous commençons par deux tours car nous n’avons pas les moyens opérationnels ni financiers de rénover dix immeubles de front. Le relogement des locataires en place, environ 300 personnes, est aussi plus simple à "petite échelle". »

Comment aborde-t-on un tel chantier ?
C.B.P.
: « Nous n’avons pas organisé de concours d’architecture pour ces deux premières tours. Nous avons mis en concurrence des équipes sur la base d’intentions. Parce qu'une réhabilitation de cette envergure nécessite une analyse technique approfondie et un dialogue poussé avec les habitants. Les architectes retenus ont l’expérience de projets semblables. Ils ont encadré huit ateliers participatifs avec les locataires, où l’on a discuté de la conception des logements, des prestations techniques et de l’usage des locaux communs. Mais aussi de la taille des fenêtres et de la gestion des poubelles ! »

Quels sont les principaux changements attendus ?
C.B.P. :
 « Nous redistribuons les espaces privatifs pour offrir une gamme plus variée de logements, du studio pour jeunes actifs au T6 duplex pour les familles nombreuses. Nous ouvrons des logements à l’accession à la propriété et de nouveaux espaces communs. Les entrées, les façades et les toitures-terrasses seront mises en valeur, végétalisées, plus lumineuses. Raccordés au chauffage urbain, bien isolés, les logements bénéficieront d’un confort thermique (BBC rénovation) mais aussi un confort acoustique très supérieur. »

Calendrier, budget… Où en est-on ?
C.B.P. :
« Nous engagerons bientôt la concertation avec les locataires, à qui nous présenterons le programme détaillé des travaux. Le chantier devrait débuter au 4e trimestre 2019, pour une durée de 32 mois. 
Nous avons consulté les entreprises en anticipation pour optimiser la méthodologie des travaux afin de limiter le plus possible les temps d’intervention, donc de relogement. Nous avons aussi renforcé notre gestion de proximité.
Le budget prévisionnel de la requalification des deux tours s’élève à 14,3 M€ TTC, soit 79 000 € par logement. Les dix tours représentent moins de 10% de notre patrimoine immobilier. Mais leur transformation absorbera 50% de notre budget réhabilitation des dix prochaines années. »

Et pour les autres tours ?
C.B.P. :
 « Nous lancerons avant l’été une nouvelle consultation pour la rénovation de six tours, allée de Brno. D’une paire à l’autre, les projets pourront varier. Mais ils devront garder une cohérence d’ensemble pour coller au paysage urbain de Maurepas. Les travaux des deux dernières tours sont programmés en 2021. »

Propos recueillis par Olivier Brovelli

Une "école de la proximité"

En décembre 2018, une école originale, intitulée École de la proximité, a ouvert ses portes au pied de la tour n°1 du boulevard Emmanuel-Mounier, pour former douze gardiens et gardiennes d’immeubles. Une formation qui correspond à un besoin : Archipel Habitat, qui gère 16 000 logements et loge 29 000 personnes, emploie 75 gardiens d’immeubles et recrute chaque année une dizaine de personnes pour ce métier. La formation s’est achevée en mai et une nouvelle session va démarrer dès le mois de septembre 2019.

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« La mixité, ça se tricote ! »

3 questions à Honoré Puil, vice-président en charge du Logement, de l'Habitat et des Gens du voyage à Rennes Métropole.
 

 Honoré Puil.

Aujourd’hui, où en est le logement social à Rennes ?
Honoré Puil : « Sur le territoire de la métropole, nous avons actuellement "zéro DALO", c’est-à-dire que les demandes sont bien traitées en amont et que les familles n’ont donc pas besoin d’avoir recours au Droit au logement opposable. Toutefois, depuis plusieurs années, nous constatons une augmentation du nombre de demandeurs. C’est un phénomène qui existe dans la plupart des grandes villes de France et qui nous alerte particulièrement. A Rennes, le nombre de demandeurs pourrait passer de 19 000 à 20 000 l’an prochain. D’où la nécessité de mobiliser les communes autour de la production du logement social mais également de favoriser la mobilité résidentielle, en aidant les ménages à opter pour l’accession, aidée ou non. »


Rennes innove avec le loyer unique ? 
H. P. :
« Cela n’existe nulle part ailleurs. C’est une idée que nous avons eue en partant d’un constat : les loyers les moins chers du parc social se concentrent dans les quartiers d’habitat social de la ville de Rennes. Ces loyers créent de la discrimination, puisque les ménages dont les revenus sont les plus bas sont orientés vers les loyers les plus bas et vers les quartiers qui concentrent déjà le plus de difficultés. 
Le loyer unique vise à mettre fin à cette spirale et à proposer un loyer identique pour une même typologie de logement. Le loyer unique neutralise la question du prix et donne à chaque ménage le droit de choisir où il habite. C’est une expérimentation que nous avons mise en œuvre dans le cadre d’un aménagement à la loi Égalité et citoyenneté, qui concerne 37
 000 logements. Le loyer unique invente une nouvelle politique des loyers. Pourquoi ? Car il ne suffit pas de rénover un quartier pour changer la population ! Le loyer unique a été lancé depuis septembre 2018 et porte déjà ses fruits : on observe déjà que les ménages, qui n’auraient pas eu d’autre choix que les grands ensembles, ont fait de nouvelles demandes vers d’autres communes de la métropole ou d’autres quartiers rennais. » 


L’Organisme de foncier solidaire (OFS) est aussi une autre manière de favoriser la mixité ?
H. P. :
 « L’OFS n’est pas spécifique à Rennes, il existe dans 28 villes de France. Mais ici, nous en avons fait l’outil principal de notre de politique d’accession sociale à la propriété. Le principe consiste à devenir propriétaire du logement mais pas du terrain. 
300 logements sont proposés chaque année dans le cadre de ce dispositif sur la métropole. L’idée, c’est de constituer progressivement un parc en accession sociale à la propriété. Dans 10 ans, nous espérons atteindre 3
 000 logements. Pour l’instant, seuls les collectifs sont concernés, avec un prix moyen de 2 055 € le m². Quand on sait que le prix du marché à Rennes est autour de 4 000 € le m², c’est très avantageux. Les premières opérations sont en route depuis septembre 2018. Nous souhaitons également ramener de l’accession sociale dans l’existant, comme dans les futures tours réhabilitées du Gros-Chêne. C’est une manière de mieux mélanger les populations. Car la mixité, ça ne vient pas tout seul, ça se tricote ! »


 

Textes : Anna Quéré (sauf mentions contraires)
Photos : Céline Diais (sauf mentions contraires)

Pour aller -encore- plus loin