"Nous n'avons pas le droit de nous résigner"

Environnement
climat
Le discours de Nathalie Appéré (DR)

Discours de Nathalie Appéré, maire de Rennes et présidente de Rennes Métropole, en ouverture de la Conférence locale du climat, le 23 mars 2022 au Couvent des Jacobins.

Mesdames et messieurs les acteurs économiques, associatifs et institutionnels,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames, messieurs,

Qualifié de « recueil de la souffrance humaine » par les plus éminents spécialistes internationaux du climat, le dernier rapport du GIEC nous rappelle que le monde est « sous-préparé » face à la hausse des températures à venir. Nous le savons : seules des mesures décisives et urgentes pourront enrayer la trajectoire climatique de la France et limiter les conséquences environnementales – les vagues de chaleur, les inondations et les incendies – auxquelles deux Français sur trois seraient déjà exposés.

La guerre est aux portes de l’Europe et il est normal qu'elle soit au cœur de nos préoccupations. Mais les crises énergétique, sanitaire, sociale et écologique génèrent, elles aussi, des inquiétudes et des angoisses, notamment chez les jeunes qui n’arrivent pas à se projeter dans l’avenir. Face à la dureté de ces constats, certaines personnes préfèreront se détourner de la question, guidées par un certain fatalisme et par le souci de se préserver. Ces réflexes-là sont humains et parfaitement compréhensibles, mais ils ne sont pas les nôtres. Pour d'autres encore, ça n'est pas le moment, ça n'est jamais le moment.

Nous, acteurs politiques, économiques et associatifs, nous n’avons pas le droit de nous résigner. Notre responsabilité est bien trop grande. Notre impact sur l’avenir de la planète, et sur celui de nos concitoyennes et de nos concitoyens est, lui aussi, bien trop important pour que nous décidions d’abandonner ce combat et de continuer à produire, à consommer, à aménager comme si de rien n'était.

Alors, puisque nous n’avons pas d’autre choix que de faire évoluer nos pratiques, je vous propose que nous le fassions ensemble. C’est tout l’enjeu de cette Conférence locale du climat que d’enclencher une dynamique locale de coopération et d’entraide. À Rennes, nous avons toujours privilégié le « vivre en intelligence », nous en avons même fait notre devise. Il me semble que face aux défis qui nous attendent, cette émulation collective sera essentielle pour imaginer des solutions innovantes, solidaires et ambitieuses permettant à notre territoire de mener à bien sa transformation écologique.

Notre territoire a la chance de pouvoir compter sur des acteurs locaux engagés et innovants. Pour atteindre les objectifs environnementaux que nous nous sommes fixés, nous aurons besoin de l’implication de tous ces acteurs ainsi que de celle des habitants. Je suis convaincue que l’éco-citoyenneté et l’éco-responsabilité sont de puissants remèdes au phénomène d’éco-anxiété qui se développe.

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Signé en 2015, l’Accord de Paris a fixé l’objectif de neutralité carbone des pays à 2050. Cet objectif ne pourra être atteint sans une ambition politique forte, doublée d’une vision globale et collective, portée sur le long terme. La crise environnementale que nous vivons exige un changement profond des mentalités et des comportements. Ce sursaut, cet élan, cette révolution écologique dont notre planète a besoin ne saurait se limiter à des adaptations, à la marge, de nos modes de vie et de nos habitudes, ni à quelques innovations technologiques.

C’est tout notre modèle de développement, de consommation et de production, hérité de la Révolution industrielle et caractérisé par l’illusion d’une abondance infinie, que nous devons aujourd’hui transformer. N’ayons pas peur de dire qu’aujourd’hui, nous n’avons pas d’autre choix que celui de la sobriété. Que nous ne pouvons plus nous permettre d’épuiser, sans limite, les ressources naturelles de nos territoires, comme nous l’avons toujours fait par le passé.

Je suis convaincue que la pédagogie et l’accompagnement au changement sont bien plus efficaces pour inciter tout un chacun à adopter des pratiques vertueuses. En plus de la mise en place de campagnes de sensibilisation et d’aides financières, il nous faut ainsi favoriser, encore et toujours, la participation citoyenne. Seul ce dialogue nous permet de comprendre les difficultés de nos concitoyennes et de nos concitoyens et d’y apporter des réponses qui intègrent les impératifs sociaux et écologiques. 

Pour tendre vers une « démocratie écologique » telle que pensée par le philosophe Dominique Bourg, une Fabrique citoyenne du climat verra ainsi prochainement le jour, à Rennes, et permettra à chacune et à chacun de s’investir sur cet enjeu capital qu’est la protection de notre environnement.

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En matière de transition écologique, notre territoire ne part pas de rien. Cela fait longtemps que notre ambition politique en la matière, qui prévoit notamment de diviser par deux nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, irrigue l’ensemble de nos politiques publiques. Nous devons désormais aller plus loin. Les premiers résultats du plan climat que nous avons mis en place à l’échelle de la Métropole sont encourageants : nos émissions diminuent tandis que l’on constate une amélioration de la qualité de l'air, alors même que la population s'accroît. 

Les consommations de gaz et d’électricité des logements ont, en moyenne, baissé de 1,2 % par an. Cela s’explique par la construction de logements plus performants et par la rénovation énergétique du parc existant, grâce à notre dispositif écoTravo, qui complète les aides nationales. Dans le même temps, nous accélérons la rénovation des bâtiments et des équipements publics.

La production d’énergies renouvelables a, quant à elle, augmenté de près de 50 % sur notre territoire, grâce notamment à l’installation d’une centrale solaire à Bruz/Pont-Péan et aux travaux que nous menons pour développer les réseaux de chauffage urbain. Ces actions permettent de renforcer notre autonomie énergétique et, pour les habitants, de réaliser des économies, ce qui n’est pas négligeable au vu du contexte international.

L’heure est désormais à la pérennisation et à l’amplification de nos efforts. Les conséquences du changement climatique frappent avant tout les plus modestes. L’articulation entre la gestion des urgences sociale et écologique est donc primordiale. Nous ne pouvons pas renoncer à construire des logements, au nom de l’environnement, alors que plus de 23 000 personnes sont en attente d’un logement social à Rennes. En revanche, nous pouvons, et nous devons, continuer à mieux construire et à réhabiliter notre patrimoine pour lutter contre l’habitat indigne.

Je réfute, pour cela, certaines théories selon lesquelles les classes populaires se désintéresseraient de l’écologie et que seule une élite se sentirait concernée par la crise climatique. Cette vision me paraît erronée autant que préjudiciable et méconnaît, à mon sens, le large écho que les enjeux environnementaux rencontrent dans notre société. Comme le dit assez justement le philosophe Pierre Charbonnier : « L’écologie, c’est réinventer l’idée de progrès social non pas sur le socle de l’abondance matérielle, comme cela était le cas dans le passé, mais à partir d’un nouveau partenariat avec la Terre et le territoire. »

Les alternatives à la voiture individuelle que nous développons à l’échelle de notre Métropole constituent aussi une réponse à l’augmentation des prix des carburants qui pèse sur le pouvoir d’achat des plus précaires.

Le redéploiement d’un million de km de lignes de bus au-delà de la rocade avec l’ouverture de la ligne b du métro, la création de 5 lignes de trambus, les parkings relais, le covoiturage, la baisse des tarifs des transports en commun pour les jeunes… Toutes ces alternatives visent également à réduire les embouteillages qui pénalisent avant tout celles et ceux qui n’ont pas d’autre solution que d’utiliser leur voiture pour se déplacer.

L’idée n’est pas d’interdire l’usage de la voiture mais d’alerter sur les conséquences que cet usage a sur notre environnement et notre santé, et d’inciter à un changement de pratiques. Rendez-vous compte, dans notre Métropole, la voiture est encore utilisée dans 40 % des déplacements de moins de 3 km tandis que la mobilité représente près de la moitié des émissions de CO2 du territoire. Cette situation n’est plus tenable. C’est également pour cette raison que nous investissons dans des bus au gaz naturel et électriques pour une flotte 100% verte en 2030. Et que nous développons les mobilités actives bien au-delà du cœur de la Métropole grâce à l’ambitieux Réseau express vélo dont plusieurs tronçons relieront, dès cette année, Rennes à Cesson-Sévigné, Chartres-de-Bretagne, Le Rheu, Montgermont et Noyal-Châtillon-sur-Seiche.

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Bien plus qu’adapter notre Métropole à la hausse des températures à venir, je suis convaincue que l’écologie peut être un vrai moyen de créer de la cohésion et de contribuer à rendre désirable le fait d’habiter en ville. La végétalisation de nos espaces publics permet ainsi de lutter contre les îlots de chaleur urbains, mais également d’offrir aux habitants, et en particulier aux plus fragiles, un cadre de vie qui contribue à leur santé et à leur bien-être. Nous croyons profondément que la ville de demain est une éco-cité solidaire et apaisée, tout en étant résiliente et autonome.

J’évoquais, il y a quelques instants, la nécessité de changer notre modèle de développement et de production. L’accès des habitants à une alimentation durable, locale et de qualité étant une de nos priorités, Rennes Métropole accompagne la transition des exploitants locaux vers une agriculture protectrice de l'environnement et génératrice de revenus.

L’économie et l’industrie sont aussi des domaines dans lesquels nous pouvons, et nous devons, faire différemment. Dédié à la mobilité et à l'habitat durables, le Pôle d’excellence industrielle de la Janais incarne notre ambition d’une réindustrialisation résiliente de notre territoire, autrement dit « riche en emplois, pauvre en carbone ». Dans le même temps, nous continuons à soutenir l’économie circulaire autant que l’avènement d’un tourisme et d’un numérique responsables.

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Voici, mesdames et messieurs, les quelques réflexions que je souhaitais partager avec vous ce matin. Face à l’urgence, elles sont volontairement plus pragmatiques qu’utopiques, mais elles n’en restent pas moins résolument optimistes sur nos capacités collectives à trouver des solutions à la crise environnementale ainsi qu’au creusement des inégalités. C’est, en substance, le message enthousiaste que le climatologue du GIEC, Jean Jouzel, a adressé hier soir aux jeunes de notre territoire, dans le cadre de l’événement Nos Futurs. C’est aussi, j’en suis certaine, l’état d’esprit qui accompagnera vos échanges tout au long de cette journée.

J’aimerais, une nouvelle fois, remercier l’ensemble des acteurs présents aujourd’hui : les services de Rennes Métropole, et les élus, cher Olivier (Dehease), pour l’organisation de cet événement ; la Région Bretagne et le Département d’Ille-et-Vilaine grâce aux présences de Carole Le Bechec et d’Emmanuelle Rousset, et avec qui nous travaillons main dans la main sur ce sujet crucial ; j’aimerais tout particulièrement remercier Virginie Raisson-Victor, Présidente du GIEC Pays de la Loire, qui nous présentera, dans quelques instants, son Grand Défi des entreprises pour la planète.

Mais aussi nos nombreux partenaires, les associations, les entreprises de notre territoire et les citoyens qui s’engagent, tout au long de l’année, pour créer les conditions d’un monde plus juste et plus durable.
 
Je vous souhaite une belle Conférence locale du climat.
Je vous remercie.