Face au mur : quand le musée de Bretagne colle à l'actu
Genre à part, à la fois enraciné dans l’art et le réel politique, l’affiche s’offre une exposition au musée de Bretagne : « Face au mur, le graphisme engagé de 1970 à 1990 », où comment prendre l’histoire aux maux. En attendant la réouverture le 25 mai, les curieux peuvent d'ores-et-déjà profiter de la visite virtuelle de l'exposition ici.
Des affiches qui se fâchent tout rouge, à l’image de cette sombre vision de l’Afrique rongée par le cancer de l’Apartheid ; des colleurs en colère, symbolisés par cette dénonciation très colorée de la guerre du Viêt-Nam ; de l’humour, bien sûr. Noir Amoco Cadiz, ou rose socialiste avec cette affiche de 1981 réalisée par le pionnier breton Alain Le Quernec, et nous montrant le candidat Giscard d’Estaing sur fond de miroir brisé, accompagné du slogan : « Sept ans de malheur, ça suffit. » Ces posters passés à la postérité sont à l’honneur de l’exposition « Face au mur, le graphisme engagé de 1970 à 1990 ».
Écho graphique
Pendant plusieurs mois, le musée de Bretagne invite donc à revisiter l’histoire du monde à travers 130 affiches très politiques, enrichies par des dispositifs audiovisuels et une scénographie originale.
« L’exposition fait écho à notre riche fonds en arts graphiques (250 000 documents, ndlr), éclaire la conservatrice Céline Chanas. Par sa mise en scène vivante et peu muséale, ‘Face au mur’ a également l’ambition de capter l’attention de la jeunesse, souvent au cœur de l’engagement. » L’occasion aussi de constater que s’il elle n’est pas la fille de 1968, l’affiche a décollé à cette époque propice aux rêves émancipateurs les plus fous.
Le fil rouge des crises
De la centrale nucléaire de Plogoff en Bretagne à la coupe du monde de football 1978 organisée en Argentine en pleine dictature, « Face au mur » invite le public à revisiter ses classiques et à suivre le fil rouge des crises. À Cuba, ce dernier rencontrera bien sûr le Che et découvrira des affiches qui, à l’image de l’île, faisaient alors dans l’économie de moyen. En Pologne, il réalisera que les beaux-arts de ce pays hier communiste fut longtemps à l’avant garde du graphisme ; en Argentine, il se souviendra enfin que le ballon ne tourne pas toujours très rond…
Mots pour maux, slogans de fer et coups de griffes graphiques se succèdent au cours de cette inoubliable visite à travers les murs de l’histoire. Pourtant, que reste-t-il de ces artistes hier à la pointe de l’actualité mais pour la plupart aujourd’hui oubliés ? « Milton Glazer, l’auteur du slogan ‘I love New-York’ avec l’image du cœur remplaçant le mot ‘love’, est mort dans l’indifférence générale en juin 2020. Il a fallu que son œuvre soit mondialement plagiée pour que l’originale devienne célèbre. Sans parler du fait que Milton Glazer est bien plus que ça, c’est le destin des graphistes d’être condamnés à l’oubli. On ne contrôle pas sa postérité », conclut Alain Le Quernec. Ainsi parle le roi du poster !
Jean-Baptiste Gandon
Face au mur, le graphisme engagé de 1970 à 1990, au musée de Bretagne.
Exposition visible jusqu'au 3 octobre 2021
Visitez également l'exposition virtuelle !