Compagnie Dromesko : un dernier (spectacle) pour la route ?

Sport et culture

Trente ans après leur rencontre sur les trottoirs d’Avignon, Igor et Lily, les drôles d’oiseaux de la compagnie Dromesko, invitent les Rennaises et les Rennais à dépendre la crémaillère du campement investi en 1998, à la ferme des Haut-Bois de Saint-Jacques-de-la-Lande. Un chant du cygne ? À moins qu’il ne s’agisse encore d’un clin d’œil de leur inséparable marabout !

Assister à un spectacle de la compagnie Dromesko, c’est comme pénétrer dans une taverne d’Ali Baba éclairée par les lumières du peintre Marc Chagall. Dans leur Volière ou dans leur Baraque, le public fait partie du décor. Bien plus encore, il fait partie du trésor. Ici, la cantine est forcément musicale. Ici, les soirées se suivent et ne se ressemblent jamais. L’art s’y respire à grandes bouffées d’humanité, et l’on y vide des verres pleins de vie.

Alors que Carla, la fidèle truie d’Igor et Lily, vient de rendre l’âme à «  l’âge de 15 ans et 4 mois », les fondateurs de la compagnie Dromesko nous emmènent une dernière fois à la croisée du théâtre, du cirque et de la musique. Sans oublier cette pincée de petits riens de la vie transformés comme par magie en inoubliables moments de poésie. 

De la Volière à la Baraque, et par monts et par vaux, Igor et Lily nous ont offert 11 spectacles
De la Volière à la Baraque, et par monts et par vaux, Igor et Lily nous ont offert 11 spectacles (DR)

Une manière originale de boucler leur boucle nomade, et de rendre les clés du campement investi voilà 25 ans à Saint-Jacques-de-la-Lande. L’occasion était trop belle de refaire le chemin inverse, jusqu’à ce trottoir bitumeux d’Avignon sur lequel ils se sont croisés, un jour de juillet 1985. Mais prenons notre temps, car si Dromesko signifie « itinérance » en rom, celle-ci se vit « à la vitesse des escargots ».

Une itinérance à la vitesse des escargots

Elle, indomptable Italo-polonaise évoluant dans le monde du rock, de la mode et des arts plastiques. Lui, le Parisien venu de la rue, du cirque et de la musique. Au tournant des années 1980, avec son frère Branlo et le futur Bartabas, Igor a fondé le cirque Aligre, avant de créer la célèbre troupe Zingaro, en 1984. « Nous avons commencé avec des rats, sourit l’accordéoniste. Nous faisions la tournée des villages avec notre chapiteau en coton. »

Puis le chapiteau est devenu Volière, en 1990, et les rats ont quitté le bateau ivre pour se transformer en centaines d’oiseaux, guidés par Charles, inamovible marabout aujourd’hui âgé de 36 ans. La compagnie Dromesko venait de prendre son envol, emmenant dans sa caravane, Arthur Rimbaud et Emir Kusturica, le mouvement Dada et James Ensor.

Au menu de ce dernier tour de piste : "Parastos pour Dromesko", un spectacle sous forme d'adieu, jusqu'à la prochaine fois ?
Au menu de ce dernier tour de piste : "Parastos pour Dromesko", un spectacle sous forme d'adieu, jusqu'à la prochaine fois ? (DR)

Après la Volière, Igor et Lily ont imaginé la Baraque avec les frères Forman, célèbres marionnettistes tchèques. La barque de bric et de broc voguera aux quatre coins de l’Europe, sans oublier de revenir régulièrement à bon port, du coté de la ferme du Haut-Bois.

Un dernier adieu, avant l’année prochaine

Du « Dur désir de durer » à « Errance en Syllogomanie », les metteurs en scène vont faire durer le plaisir du partage durant onze spectacles « racontant par la bande des poèmes de vie. »  Avec la compagnie Dromesko, c’est tous les jours « Le jour du grand jour », pour reprendre le nom de leur production, et aucun spectateur n’a oublié cette scène d’effeuillage où deux corbeaux déshabillent Lily, « lapine up » de circonstance. « Les animaux de notre compagnie n’ont jamais été dressés, mais ils connaissent parfaitement leur rôle », s’amuse-t-elle. « De la même manière, si nos spectacles peuvent paraître informels, ils sont en réalité très cousus. »

Un spectacle sans Carla, la fidèle truie
Un spectacle sans Carla, la fidèle truie (DR)

L’invention de l’espace de jeu et la représentation, les animaux et la musique, l’itinérance et la poésie du quotidien… Autant d’ingrédients qui ne cesseront jamais de pimenter la folie douce de la compagnie Dromesko. Jusqu’à ce dernier tour de piste à la ferme des Haut-Bois, dans quelques jours ? « Cela s’appelle le Chant du marabout, car nous n’avions pas de cygne à disposition », s’amuse Igor. Le bel emplumé trentenaire originaire de Tanzanie sera bien sûr bien là, prêt à signer l’état des lieux avec sa plus belle plume. Alors que Carla est partie, et que les oiseaux se sont envolés, il est le dernier pensionnaire de cette arche de Noé rock’n’roll et foraine.     

« Nous partons de la réalité, d’un théâtre qui se nourrit de la vie, de l’amour et de la mort ». Dans quelques jours, la compagnie Dromesko célèbrera son enterrement de première classe, dans le cadre des Tombées de la Nuit, et avant de laisser la place à l’association circassienne Ay-Roop.  Baptisé « Le chant du marabout », ce "turlututu funèbre" sera notamment l’occasion de découvrir « Parastos pour Dromesko », le dernier spectacle de la compagnie. À l’affiche également : « Tierra de Nadie », de la cie Chouka ; « L’Oral et Hardi », de Jacques Bonnaffé et « Ignis », de Nicolas Faiseau.

Des compagnons de route, de zinc ou de banquet, dans tous les cas une manière idéale de clore la grande aventure Dromesko. Jusqu’à la prochaine fois !

Du jeu. 14 au dim. 17 décembre, Campement Dromesko. Plus d'informations sur le site des Tombées de la nuit

Jean-Baptiste Gandon