Des paysans qui reviennent en ville, des urbains qui réapprennent le jardinage… Alors que le modèle agricole dominant a montré ses limites, Rennes se révèle être un terreau fertile d'initiatives, cultivé chaque jour par des acteurs toujours plus nombreux. À la croisée des enjeux de l’écologie et de la santé publique, de l’économie et de la démocratie alimentaire, la ville promeut un modèle d'agriculture urbaine, respectueux des sols et de ses habitants.
Des tiers lieux aux fermes urbaines en passant par les nombreuses manières de cultiver son jardin, ce long format vous invite à suivre les sillons tracés chaque jour par des acteurs désireux de réconcilier le coût et le goût, la quantité et la qualité, et de reconnecter la ville avec sa terre. N’oubliez pas vos bottes !
TIERS LIEUX : POUR UNE AGRICULTURE URBAINE À HAUTE VALEUR AJOUTÉE HUMAINE
Ils associent volontiers culture et agriculture, production et pédagogie. Enracinés dans leur quartier, au cœur du territoire, les tiers lieux cultivent autant les légumes que le lien social, et nourrissent aussi bien le corps que l’esprit. Focus sur ces nouvelles formes d’agriculture urbaine à forte valeur ajoutée humaine.
Ferme de Quincé : culture de végétaux et rythmes digitaux
Projet agriculturel et festif situé dans le quartier Beauregard, la ferme de Quincé accommode les légumes de son potager bio aux goûts des clients de son restaurant et au groove de sa programmation musicale. Petite visite guidée du tiers-lieu avec l’association 35 Volts.
Un smiley dans une mare, vous y croyez ? Une manière joyeuse pour l’équipe de la ferme de Quincé, de vous souhaiter la bienvenue dans ce tiers-lieu situé en bordure de rocade, au carrefour de l’agriculture et de la culture, de l’alimentation et du lien social.
« La présence de terres agricoles dans le quartier a conduit la ville de Rennes et Territoires à interroger les projets conjuguant les activités à vocation sociale, culturelle et agricole, pose Marine Kunstmann pour le collectif 35 Volts. En parallèle, une concertation menée auprès des habitants du quartier a révélé leur attente pour un lieu festif et leur besoin de nature. »
Lauréate de l’appel d’offre, l’équipe de 35 Volts s’est mise au travail sur le site de 4 hectares, dès la remise des clés, au printemps 2021.
Dans le petit bois a été aménagée une scène en plein air, où les gens peuvent écouter une programmation acoustique ou peu amplifiée. Cultivé sur une surface d’un hectare, le potager donnera quant à lui bientôt lieu à une production maraichère bio, en permaculture. Il alimentera le restaurant de la ferme de Quincé, ou remplira des paniers hebdomadaires pour les habitants de Beauregard. Nous sommes donc dans le circuit très court.
Trait d'union entre le projet agro-culturel et sa vocation à devenir un lieu de vie, une guinguette en plein air a été rapidement aménagée. Forcément animée, elle propose une petite restauration simple, gourmande et rapide, à des tarifs de préférence accessibles. « Qu'il s'agisse de Marine Rob, Léo Morvan ou Clément "Crokeumel" cette année, tous nos chefs cuisiniers ont la même envie de travailler avec des producteurs locaux impliqués dans l’agriculture biologique. »
S’adapter, pour être mieux adopté
« Nous sommes nouveaux dans le quartier, notre but n’est pas d’arriver avec nos gros sabots , ajoute Marine Kunstmann. L’idée est de travailler avec les structures existantes. Nous voulons développer la dimension participative et rester dans une sobriété de moyens. Le bénévolat nous a par exemple permis de faire connaissance avec la gérante de l’association Vrac, chez qui il nous arrive de nous ravitailler en épicerie.»
La ferme se trouvera au cœur du futur parc champêtre de Beauregard-Quincé, lequel sera maillé de cheminements multiples, à pieds ou à vélo.
Alors que la Ferme de Quincé a tracé les premiers sillons de son activité de maraîchage bio en 2022, elle invite par ailleurs les amateurs de plaisirs sonores à ouvrir leurs esgourdes sur une programmation musicale aussi riche et équilibrée que les menus de son restaurant.
Le tiers lieu organise également des séances de cinéma en plein air et des boums pour enfants, propose des ateliers de sérigraphie et des initiations au yoga... Et n'oublie pas les méninges avec des temps de débat et des conférences.
Une façon d’envisager une métropole zen et souriante.
Quincé l'été : une programmation à la carte
À la fois une ferme de production de légumes bio et un lieu festif (concerts, restauration, jeux), Quincé vous invite à coincer la bulle tout l’été.
Au programme : conférences, débats, discussions ouvertes (le jeudi de 18h à 23h) ; musique live (le vendredi de 18h à 00h) ; journée familiale (le samedi de 16h à 18h) ; dance floor et DJ sets électroniques (le samedi de 18h à 00h).
Ferme de Quincé, jusqu’au 29 juillet et du 17 aout au 7 octobre. Retrouvez l'actualité de Quincé ici
La Prévalaye : des graines du savoir à la citoyenneté alimentaire
Du Jardin des Mille Pas à la Ferme de la Basse-cour, et du champ à l’assiette, la Prévalaye confirme chaque jour son rôle de laboratoire d’une agriculture urbaine rennaise à la fois low tech, pédagogique et écologique. Nous avons regardé Maxime Pfohl et Nicolas Bon semer les graines d’une nouvelle citoyenneté alimentaire.
En 2019, 1640 enfants et plus d’un millier d’adultes ont participé aux animations organisées par le Jardin des Mille Pas, à la Prévalaye. « Pour vous donner un ordre d’idées, cela fait plus de 20 ateliers périscolaires par semaine », pose Maxime Pfohl, responsable administratif et formateur en agro-écologie au Jardin des Mille Pas.
Si elle cultive les projets d’agriculture vivrière, l’association sortie de terre en 2014 n’oublie donc pas la transmission, et sème chaque jour les graines qui feront les citoyens de demain, redevenus maîtres d’une alimentation naturellement plus sobre et équilibrée.
Du champ à l’assiette
Rejoint par la micro-ferme Perma G’rennes en 2016, et en lien avec l’Inra, le Jardin des Mille Pas a notamment repensé l’activité de l’ancienne métairie du château de la Prévalaye autour d’un système agricole et alimentaire durable.
L’année suivante, l’ouverture à l’ensemble des acteurs a débouché sur la Basse-cour, avec sa guinguette-restaurant. Aujourd'hui coordonné par Éléonore Havas, le tiers-lieu propose également rencontres, balades, ateliers et autres moments conviviaux.
D’une superficie de 1,3 ha, « le jardin assure la perméabilité entre la Basse-cour et les Mille pas. Y sont notamment cultivés sur planche ou sous serre, les légumes par la suite cuisinés par Maxime Vignon, le chef du restaurant attenant », continue Nicolas Bon, l’un des porteurs du projet Basse-cour.
En visant la réappropriation alimentaire dans une optique d’économie circulaire, la Basse-cour donne tout son sens au Jardin des Mille Pas.
« La réappropriation alimentaire passe d’abord par celle des savoirs. » Outre la production maraichère, des espaces pédagogiques ont également été aménagés, réservés aux cours de l’école de jardinage, ou aux classes de plantes médicinales et aromatiques.
« Nous sommes ici dans la gestion différenciée, de la culture très intensive aux espaces pas entretenus du tout. Enfin, si nous sommes labélisés bio, nous voulons aller encore plus loin, en évitant par exemple le recours aux semences hybrides F1, autorisées en agriculture bio, ou en élaborant une charte de l’agro-écologie. »
Circuits ultra-courts et enracinement dans les quartiers
Lieu de production et de transformation, la Prévalaye n’aspire plus qu’à se transformer en site de recyclage, un projet notamment porté par l’association Rennes du compost : « l’idée est de créer un circuit ultra-court, confirme Maxime Pfohl. La maîtrise des intrants nous permettrait de boucler la boucle ».
Tout comme l’enracinement dans les quartiers voisins de Cleunay, la Courrouze et Saint-Jacques-de-la-Lande est une de nos priorités. Animer un lieu citoyen dédié à la démocratie alimentaire n’aurait pas de sens si celui-ci n’était pas ancré sur son territoire.
Outre le festival Du champ à l’assiette, le collectif multiplie donc les initiatives dans les écoles ou les centres sociaux, en lien avec les artistes et les habitants. Et n'oublie pas de joindre l'utile à l'agréable avec une programmation de concerts, des balades curieuses, des ateliers de cuisine ludiques, ou de sensibilisation aux transitions écologiques et des cours de cuisine...
Temps fort de la saison, le marché festif programmé par la Basse Cour au printemps est l'occasion de réfléchir à une consommation plus consciente.
Agro-écologique et culturel, alimentaire et culinaire, pédagogique et participatif, le projet Basse-cour nourrit donc de hautes ambitions. Déjà respiré par nombres de structures (Rennes du compost, Jardin des Mille pas, Maison des semences paysannes…), le bon air de la Prévalaye attire d'autre structure comme le projet Terres Solidaires, porté par Victor Lipovac, maraîcher et l'association d'aides alimentaires Coeurs Résitants.
Quelques desseins nourris par le collectif ? « Par exemple, créer un laboratoire de transformation partagé, équipé de l’outillage adéquat, ou aménager une cuisine test pour les porteurs de projets… »
Basse Cour mode d'emploi
La guinguette la Basse Cour est ouverte du mercredi au samedi, de 15 h à minuit, et le dimanche de 14 h à 22 h.
La cuisine est ouverte pour le goûter et grignotage à partir de 15h et repas de 19h à 21h30.
Retrouvez l'ensemble de la programmation (concerts, ateliers...) sur la page de la Basse Cour.
Garden partie : une botte à Rennes, l'autre à Gevezé
Projet agriculturel porté par Christophe Lepain et Tifenn Leclercq, le potager de la Garden partie s’anime chaque vendredi d’une rencontre de producteurs ponctuée par une proposition artistique. L'association invite également les fins gourmands à savourer du mercredi au vendredi, un menu maison variant au fil des cueillettes. Et n'oublie pas de sillonner le champ culturel, qu'il soit musical ou branché sur les arts de la rue. Les premières graines d’un projet prolongeant ses racines de l’autre côté de la rocade, dans les champs de Gevezé.
En arrière-plan, la fresque murale géante aux couleurs survitaminées de Mist nous rappelle que nous nous trouvons bien en milieu urbain, à la lisière du nouveau quartier de Baud-Chardonnet.
Là, sur les rives de la Vilaine, les créateurs de la Garden partie y cultivent des légumes dans leur petit potager hors-sol : patates douces, tomates, salades, fraises et autres plantes aromatiques s’associent dans un joyeux bouillon de culture, avant de remplir les cabas des visiteurs, à l’occasion de la rencontre hebdomadaire de producteurs, chaque vendredi à partir de 16h.
Maraîchage et plantes aromatiques
« À l’origine, l’idée était de développer un projet d’agriculture urbaine sur les toits du nouveau quartier de Baud Chardonnet », nous éclaire l’ancien prothésiste dentaire Christophe Lepain. S’il a gardé sa hauteur de vue, le dessein a progressivement évolué, pour s’inspirer du Jardin de la princesse de Berlin-Est. Un espace communautaire où quelques centaines d’espèces s’égayent au pied des immeubles. « Avec Tifenn Leclercq, notre idée est de travailler en hors-sol et aussi de montrer en parallèle ce qu’il est possible de faire en matière de dépollution des sols. À Rennes, il y a de quoi faire. »
De l’autre côté de la rocade, à Gevezé, le tandem a commencé à travailler en parallèle sept hectares de bonne terre, où ils développent des activités de maraîchage et la culture de plantes aromatiques. « Nos récoltes serviront à alimenter le marché hebdomadaire de la Garden partie. »
Preuve que la greffe a bien pris : « celui-ci est déjà fréquenté par une quinzaine de producteurs réguliers. Nous formons presque une famille. En outre, le collectif compte plus de 1500 adhérents. Cela leur donne le droit d’acheter des produits chaque vendredi, mais aussi de participer à nos ateliers ou à nos chantiers participatifs. »
Miel, fromage, volailles, viande de porc, pommes, œufs… Il ne manque pas grand chose pour que le panier soit complètement garni. « Nous bénéficions de l’aide et des conseils de Grégory Fachon, un producteur installé en bio dynamie à Bruz. »
Des produits « detox » pour la terre
« Nous avons ramené 50 tonnes de terre bio et 30 tonnes de compost pour créer notre potager urbain, note Christophe Lepain. Si nous ne sommes pas en bio, c’est parce que nous faisons du hors-sol. »
Organisée en Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), la Garden partie a le goût de l’équité. « Ce statut nous a permis d’embaucher deux premiers salariés. 50 % des bénéfices sont indivisibles, tandis que l’autre partie est reversée à parts égales entre tous les salariés. »
Notre projet est agricole mais aussi culturel, et nous proposons un spectacle gratuit, après le marché.
Outre le moment festif du vendredi soir, l'association sillonne le champ culturel dans les grandes largeurs, à l'image des concerts régulièrement organisés, ou des spectacles du Festival international des arts de la rue qu'elle accueillait récemment.
Du mercredi au vendredi, elle invite enfin, chaque midi, les fins gourmands à savourer un menu évoluant au fil des cueillettes et des produits locaux disponibles.
Circuits courts, localisme, low tech, bio dynamie… La Garden partie coche toutes les cases, et n’oublie pas de doper ses cultures à la convivialité.
Plus d'info par ici
Kaol Kozh : savez-vous planter les choux ?
Avec son nom délicieusement collectiviste, l’association bretonne Kaol Kozh défend la liberté de semer depuis presque 20 ans. Nous avons séparé le bon grain de l’ivraie avec Gurvan Pellerin, responsable de l’antenne fraîchement germée à Rennes du côté de la Prévalaye, en attendant l’ouverture de la Maison des semences paysannes.
Si « kaol » signifie « chou » en breton, alors celui-ci est forcément rouge kolkhoze, du nom de ces communautés paysannes d’URSS, organisées jadis de l’autre côté du rideau de fer. Une manière humoristique de dire que l’association finistérienne cultive l’esprit collectif et défend la liberté de semer depuis vingt ans déjà.
Des semences non-hybrides, libres et reproductibles
Installé dans la ferme de la Vieuville, dans le laboratoire vert de la Prévalaye, Gurvan Pellerin et ses camarades classent la graine pour mieux défendre l’autonomie paysanne. « Kaol Kozh promeut les semences non hybrides, libres de droit et reproductibles. » Traduisez : des variétés tombées dans le domaine public après vingt ans d’inscription au catalogue officiel du SEMAE (Interprofession des semences et plants). « La vente de semences est très encadrée, poursuit le responsable de l’antenne rennaise de l’association. Aujourd’hui, plus personne ne fait de graine à partir de ses légumes, par manque de temps ou de savoir faire. Il est vrai aussi que, pour certains légumes, l’utilisation de semences non hybrides est plus risquée, et les rendements plus aléatoires. »
Cela n’a pas empêché 250 adhérents de rejoindre le mouvement : « nous fédérons une centaine de maraîchers bio, des permaculteurs, mais aussi des gros légumiers ».
Sur un lopin attenant à la ferme, l’association cultive une soixantaine de légumes « pour montrer qu’il n’est pas si difficile de faire de la graine à partir de ses légumes ». En collaboration avec les agronomes de l’Inra, Kaol Kozh a même fait rejaillir de terre des variétés enfouies dans la mémoire bretonne : le chou de Lorient, écarté pour son manque d’homogénéité et ses gabarits trop versatiles ; la carotte rouge sang, ou encore l’oignon rosé de Roscoff.
L’oignon fait la force
L’ombre menaçante des ogres impérialistes Monsanto et autre Bayer ne manque pas de planer sur la conversation. « Notre but n’est pas d’opposer systématiquement les semences paysannes et hybrides (non resemables, ndlr) : 90 % du bio, par exemple, est hybride. Le modèle économique des hybrides, en obligeant les agriculteurs à racheter leurs semences chaque année, a concentré le travail de sélection vers ces types de variété résistantes entre autre aux maladies, au détriment des variétés reproductibles. Si il y a combat avec Monsanto, celui-ci porte plus sur l’autonomie des producteurs. »
Kaol Kozh propose déjà une « grainothèque » en ligne, en attendant sa matérialisation physique dans les locaux de la ferme de la Vieuville. « Il s’agit de mettre en réseau les paysans qui produisent eux-mêmes leurs semences, afin de pouvoir se les échanger. » À l’image de ce cultivateur aux 250 espèces de tomates, le catalogue est déjà bien garni. L’association met également à disposition des kaol kozhiens une batteuse et une trieuse. « Les agriculteurs repartent avec 90 % de leurs graines, et versent 10 % au pot commun. »
Enfin, Gurvan Pellerin et ses camarades réfléchissent à la création d’un label « Légumes issues de semences paysannes », en partenariat avec le réseau Biocoop.
L’enjeu final de cette lutte est l’autonomie en réseau local des producteurs en semences. Nous entendons y participer par la transmission du savoir et, bien sûr, l’échange de graines.
Le combat avec la F1 hybride semble il est vrai un peu déséquilibré. « Avec un chou hybride à floraison programmée, vous ne passez qu’une fois dans les rangs. Dans le cas d’une semence paysanne, c’est deux à trois fois. Pour la tomate, le différentiel de rendement est de 1 à 4… »
En attendant, Kaol Kozh ne lâche pas la cause et continue d’accompagner les paysans dans leur quête d’une agriculture solidaire à visage humain en leur fournissant des plants et des semences. En bref, à la ferme de la Vieuville, c’est Germinal tous les jours.
Une maison des semences paysannes en construction
Regroupant une équipe de chercheurs de l’INRAE et l’association Kaol Kozh, une Maison des semences paysannes va bientôt éclore sur le site de Vieuville, avec des objectifs pluriels : être un lieu de recherche collectif pour redéployer la diversité cultivée sur le territoire de la Prévalaye ; participer à l’installation d’une agriculture périurbaine/urbaine paysanne et biologique, en préservant la biodiversité naturelle et tous les usages associés à proximité du centre urbain ; diffuser les connaissances sur les enjeux conjoints des biodiversités dans un contexte de développement de l'agriculture urbaine et de perte culturelle du lien au monde vivant.
IL FAUT CULTIVER SON JARDIN
Aux quatre coins de la ville, on jardine joyeusement. Dans son coin ou en petit comité, en famille, avec les copains ou entre voisins : petit tour d’horizon de ces jardins partagés ou familiaux.
Jardins familiaux : ça se bouscule au portillon !
L’association des jardins familiaux de la Ville de Rennes gère un millier de parcelles. La crise sanitaire a fait exploser les demandes. Mais 10% des jardins sont libérés chaque année.
Le jardinier connaît la patience. Le futur jardinier devra s’y faire. En deux printemps étouffés dans l’œuf par le coronavirus, la demande de jardins familiaux a grimpé de 50 %. Les déménagements, les décès et les expulsions pour cause de jardin non entretenu libèrent 80 parcelles par an. Conclusion ? Avant de pouvoir enfiler vos bottes, un délai moyen de cinq ans est à prévoir.
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1015 parcelles de 50 à 200m²
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15 hectares de surface cultivée
Pour obtenir une parcelle, il faut adhérer à l’Association des jardins familiaux, liée par convention à la Ville de Rennes depuis trente ans, puis s'acquitter d'une redevance d'occupation et verser une caution. Les attributions se font par secteur, administré par un comité de gestion, élu par les jardiniers de l’association.
La mise à disposition d’un lopin est accordée pour une période d’essai d’un an puis renouvelée par tacite reconduction sauf en cas de litige. Un règlement intérieur strict cadre ce qu’il est possible de faire. Toute construction non démontable, en dur - barbecue, four, serre en bois - est proscrite. Les arbres d’ornement et arbustes de grande taille sont bannis tout comme l’arrosage au tuyau. La commercialisation des produits récoltés est interdite.
Quel est le top 3 des légumes cultivés dans les jardins familiaux à Rennes ? Réponse ci-dessous !
Vert le jardin : l'asso qui fait pousser
Née il y a vingt ans, l’association brestoise a essaimé dans toute la Bretagne pour tuteurer les envies jardinières en faisant la promotion des jardins et composts partagés.
On peut vouloir bien faire sans trop savoir comment. On peut apprendre de ses erreurs mais ne pas vouloir trop s’égarer. Heureusement, Vert le jardin est là.
L’antenne rennaise s’est installée dans un grand hangar du quartier Nord Saint-Martin. Les curieux de nature y défilent pour suivre des ateliers jardinage deux après-midi par semaine. Le premier mercredi du mois est réservé aux "trucs et astuces". On se forme à la confection de nichoirs à oiseaux, de mobilier de jardin en palettes. En groupement d’achats, la Boutik’jardinière vend de la paille, des graines, de petits outils et des plants de saison à prix coûtant.
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300 adhérents à l'association Vert le jardin
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5 salariés travaillent à Vert le jardin
Partenaire de Rennes Métropole, l’association loue à ses adhérents des broyeurs de végétaux à petit prix pour faire son paillage maison. La collectivité lui confie aussi le soin d’accompagner les habitants, les collectifs au jardinage au naturel, au compostage, à la création de jardins partagés et d’aires de compost collectif. Vert le jardin prêche les bonnes pratiques du zéro déchet gratuitement, en jardinerie et même en porte-à-porte.
L’engouement pour le jardin est énorme. Les gens ont été confinés, ils ont envie de plein air. Beaucoup ont commencé à planter à droite, à gauche dans leur copro, au bout de la rue, sans demander d’autorisation. Ils viennent nous voir pour formaliser les choses. Et prendre des conseils.
Jardins partagés : pour le bien commun
La Métropole rennaise compte 180 jardins partagés. Où l’on cultive autant les tomates que l’amitié.
• Solidaire au Blosne
Derrière la station de métro Triangle, au pied des tours, le Jardin solidaire s’anime une fois par semaine en été, un peu moins l’hiver. Avant la binette, ses jardiniers ont en commun un CV éloigné de l’emploi. Allocataires du RSA, des minima sociaux, tous fréquentent l’Espace social commun (ESC) du Blosne.
Solidaire mais encadré, le petit jardin (150 m²) est couvé par le CDAS (Centre Départemental d’Action Sociale), le CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) et le centre social Ty-Blosne. « Au même titre que le sport ou la cuisine, le jardinage est une activité qui remobilise, souligne Agnès Loury, référente RSA au CCAS. Où l’on noue des contacts à l’extérieur. Où l’on se projette vers l’avenir ».
Le potager du Blosne est un prétexte à la rencontre. « La priorité, c’est le lien, le groupe ». La grelinette retourne l’estime de soi. « Pour certains, c’est le début d’une reprise en main physique ».
L’atelier hebdo est encadré par un intervenant technique de l’association Vert le jardin, toujours en duo avec un travailleur social, bottes au pied. « C’est une autre posture de travail, loin du bureau, plus propice à tisser une relation de confiance ».
Taillé pour quinze usagers, le jardin fait rarement le plein. « Il faut sans cesse remotiver les troupes, composer avec les problèmes de santé, les addictions ». Mais quand la graine germe, la récolte est savoureuse.
• Accueillant à Beauregard
Entre les Archives départementales et la rue de Saint-Malo, un micro-village est né, à califourchon sur deux rues qui n’existaient pas encore il y a trois ans. Au milieu ? Un potager de 320 m². Le Jardin d’Albert a inaugure sa toute première saison de plantation avec les radis primeurs des enfants.
Les occupants des maisons individuelles étaient arrivés les premiers. Leurs voisins en appartement avaient emménagé l’année suivante. Le jardin a servi à « faire quartier » en donnant une âme, de quoi nourrir les rencontres. Record battu : 22 des 44 familles du quartier ont rejoint le collectif.
Quelques-uns y avaient déjà une petite expérience du jardinage mais pour la majorité d’entre nous, c’était une découverte totale. Le jardin partagé a créé une émulation incroyable.
Les deux-tiers de la surface sont réservés à une grande parcelle jardinée en commun. Sur les côtés, quatorze lopins individuels de 6 m² sont cultivés à la mode de chez soi. « Mais chacun à l’obligation de donner un coup de main au jardin collectif ». Ça se passe tous les week-ends, en mode atelier thématique : plantation, aménagement, désherbage, réparation d’outils… Un planning cadre les tours d’arrosage. La terre ? « Un peu argileuse mais jamais cultivée, jamais bâtie. C’est une bonne base pour démarrer. » Autour du ruisseau et des trois bacs à compost, la vie de quartier, elle, est déjà bien enracinée.
Les cols verts : quand alimentaire rime avec solidaire
Vitrine maraîchère aux accents populaires, la micro-ferme urbaine du Blosne mixe production et pédagogie pour accompagner la transition alimentaire.
Derrière la halle du Triangle, le Potager des cultures raconte l’histoire du Blosne. La base chantier des années 60 a laissé des traces : sol pollué aux hydrocarbures, terre de remblais stérile… Hormis la serre, tout pousse donc en bacs.
Deux maraîchères salariées travaillent la terre, secondées par une dizaine de bénévoles chaque semaine avec l’appui de volontaires en service civique. « Chez nous, le bénévolat est un engagement citoyen car on œuvre pour le bien commun, sans récolter le fruit de son travail ».
Mais le jardin fait aussi corps avec le quotidien du quartier, la précarité et les incivilités. Le maraudage fait disparaître 30 % de la production, concentrée sur 2 000 m². Un comble quand la quasi-totalité des légumes, petits fruits et aromates est destinée aux bénéficiaires de l’épicerie sociale Ty Sol. « C’est frustrant mais on fait avec », soupire Hélène Brethes, la directrice de l’association. Fort heureusement, le projet est aussi pédagogique.
Lauréate de l’appel à projets Quartiers fertiles lancé par l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine), l’association a recruté deux animateurs nature pour faire de la médiation. Balades botaniques, visites du jardin, ateliers permaculture, biodiversité et cuisine… Le potager voit passer du monde, toutes les écoles du quartier, des ados fragiles, des personnes migrantes et des familles hors sol. « Comment pousse un radis ? On reprend les bases pour dérouler la pelote ».
Vous rêvez de devenir jardinier ? De la plantation en bordure d'immeuble au jardin familial, il y en a pour tous les talents. Si un jardin existe près de chez vous, vous le trouverez dans cette page : Jardiner en ville .
Hors série Sillons
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