Village numérique,  tableaux interactifs dans les classes, recherche sur les usages… Les outils numériques ont fortement investi l’éducation des enfants. Pour quels usages et quels bénéfices ? Tour d'horizon.

Enregistrer une vidéo et la diffuser sur les réseaux sociaux,  jouer en ligne, devenir youtubeur… C'est un fait : les  enfants d'aujourd'hui sont ultraconnectés. Au-delà de savoir si cela est une bonne ou une mauvaise chose, l’enjeu est aujourd’hui d’accompagner cette transformation, avec deux objectifs majeurs en ligne de mire : réduire les inégalités face au numérique (sauront-ils tous créer et se servir d'une adresse mail, réaliser une démarche administrative, faire une recherche documentaire sur le web, trier et vérifier les informations ?) et profiter des nouveaux outils d’apprentissage. Eduquer au  numérique et par le numérique, en quelque sorte. 
Un plan numérique engagé par la Ville de Rennes et l'Education nationale vise ainsi à soutenir les apprentissages scolaires grâce au numérique,  favoriser les innovations pédagogiques et lutter contre les inégalités d'usages. Un plan qui s'inscrit dans le projet éducatif local de la Ville.

Le numérique au service des apprentissages

Tableaux numériques interactifs. (D. Gouray)

Les enseignants accompagnent les élèves dans un environnement technologique en constante évolution. Les outils numériques doivent donc être vus comme des outils au service des apprentissages. Toutes les classes rennaises sont équipées d'un ordinateur fixe ou portable et chaque école dispose d'une salle informatique.
De nombreux enseignants travaillent également sur un tableau numérique interactif (TNI). Ce tableau un peu particulier, relié à un ordinateur, permet d'avoir accès à de nombreuses ressources documentaires : textes, sons, images, vidéos…  

Enregistrer des séquences

« L'intérêt du tableau numérique interactif est de pouvoir enregistrer des exercices réalisés en classe, et de revenir dessus ensuite », explique Agnès Viry, enseignante de CM1 – CM2 à l'école Trégain. En effet, quand les enfants écrivent sur le tableau avec des crayons spécifiques, l'enseignant peut enregistrer l'exercice.

  • 382 tableaux numériques interactifs en septembre 2019

    Source : Ville de Rennes

Kaligo, pour faciliter l'écriture

Kaligo, pour apprendre à écrire sur tablette.

C'est à Rennes que s'est développé le cahier numérique Kaligo*. L'outil, développé par des ingénieurs associés au monde éducatif, est une application pédagogique d'apprentissage de l'écriture sur tablette. Elle permet aux enfants de grande section et de CP de s'entraîner à l'écriture. L'outil fonctionne avec un stylet grâce auquel l’élève écrit en lettres capitales, en lettres cursives, en chiffres… « L’intelligence artificielle analyse en temps réel la qualité de son écriture pour lui montrer immédiatement ses erreurs et lui proposer des exercices personnalisés, adaptés à son niveau », détaille Eric Anquetil, professeur à l’Insa.  

*Kaligo a été développé par l’Institut national des sciences appliquées (Insa), l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (Irisa) et la société rennaise Learn&Go, réunis dans un laboratoire commun, ScriptandLabs, avec le soutien de l’Agence nationale de la recherche (ANR), de l’Académie de Rennes et de la SATT Ouest Valorisation. 

Dans l'école Guyenne, la Ville a mis des tablettes numériques à disposition des enseignants pour qu'ils puissent travailler sur ce logiciel d'apprentissage de l'écriture.

Musique assistée par ordinateur

Les élèves de l'école Trégain ont programmé des synthétiseurs.
Les élèves de l'école Trégain ont programmé des synthétiseurs. (D. Gouray)

« Là il y a l'interrupteur, là le métro qui génère un son toutes les 400 milli-secondes. » Orphéo explique, avec des mots de programmateur, le fonctionnement de son synthétiseur numérique. Avec ses copains de la classe de CM1-CM2 de l'école Trégain, il s'est initié à la musique assistée par ordinateur cette année. La programmation a été faite en classe, avec l'aide d'un enseignant intervenant du Conservatoire et d'un musicien. Les élèves se sont ensuite produits en concert à trois reprises : devant d'autres élèves lors du village numérique, devant leurs parents et à la bibliothèque des Champs libres. 
« Grâce à une appli, nous importons ensuite les créations des enfants sur smartphones », explique le musicien intervenant. Chacun disposait donc d'un synthétiseur mais pouvait le faire accélérer ou ralentir pour modifier la mélodie. « La représentation était alors très visuelle. »
« Notre objectif était bien de créer, écouter, jouer ensemble, en utilisant un instrument différent », explique leur enseignante. Cela permettait aussi aux élèves d'acquérir des bases d’algorithmie et de se familiariser avec certains paramètres du son, comme la durée et la fréquence.  

Favoriser les usages et contrer les inégalités

(F. Le Nigen)

Depuis 2018, un temps de rencontre et de pratique est proposé à tous au cours de l'hiver : le village numérique. L'objectif de ce temps de rencontre est de permettre aux scolaires, mais aussi aux familles et à toute personne curieuse, de découvrir les possibilités offertes par le numérique.
 

EducaRennes, pour créer du lien entre familles et enseignants

L'espace numérique EducaRennes, l'outil de communication entre les parents, les enseignants et les élèves a été  modernisé en 2018.  L'objectif : mettre à disposition des acteurs éducatifs un espace numérique d'échange, plus attractif et interactif. Il regroupe le blog des écoles et des centres de loisirs, ainsi que des applications pratiques qui devraient favoriser les échanges entre les enseignants et les parents. A l'image des espaces numériques mis en place au niveau national dans les collèges et lycées, le nouvel espace numérique de travail offre en effet un échange sécurisé entre les enseignants et les parents. Les élèves pourront également s'initier à l'envoi de mails.

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Un tiers-lieu dédié au numérique éducatif à Pasteur

A la rentrée 2020, un nouveau lieu dédié aux cultures numériques ouvrira dans l'hôtel à projets Pasteur (l'ancienne fac dentaire). Ce lieu est en cours de construction (350 m2), autant pour ce qui est de son aménagement que pour sa programmation. Il cohabitera avec l’école maternelle du quartier et l’hôtel à projets Pasteur, qui reste un lieu où les habitants peuvent expérimenter, sur quelques semaines, tout type d'activités. Il articulera ses actions avec de nombreux partenaires dont les fablabs, les espaces publics numériques, la coopérative pédagogique numérique  (réseau à l'échelle départementale) et l’Edulab de l’université Rennes 2. Il pourra également servir de lieu d'accueil à des classes transplantées et proposera des animations pendant tous les temps de l'enfant.

Petits chanceux, les enfants de CE1 de l'école Duchesse-Anne ont déjà pris possession des lieux. Tout au long de leur année scolaire, ils ont travaillé sur l'aménagement de ce bâtiment de leur quartier, qu'ils seront certainement amenés à fréquenter plus tard.  « Ils ont réfléchi avec les élèves de l'école d'architecture sur le futur aménagement du tiers-lieu», explique leur enseignante, Magali Paulic. Cela leur a permis de travailler sur la compréhension de l'espace, sur les différentes échelles, en deux et en trois dimensions… Résultat : les élèves architectes ont réalisé des maquettes du futur Edulab, en partant des idées émises par les enfants. 

Indiens dans la ville 

Fin mai 2019, les élèves ont même passé une semaine dans les locaux, pour bricoler et réaliser des prototypes des aménagements. Ils étaient encadrés par des artistes qui interviennent régulièrement à l'hôtel à projets Pasteur. Comme Charly, du collectif Indiens dans la ville, qui défend « un rapport à la technique engagé ». Le jeune artiste connaît bien Pasteur et « souhaite démystifier la technique et montrer que nous avons le pouvoir de faire les choses par nous-mêmes ». À côté de lui, deux jeunes garçons fabriquent un abat-jour… grâce à une machine à recycler le plastique. 
Pour mener à bien leur projet d'aménagement, les enfants auront donc utilisé à la fois la scie à métaux et l'imprimante 3D. Ils se seront initiés à la photo numérique et à ses retouches, ou encore à la prise de son. « Le numérique a été mis au service du projet », soutient l'enseignante alors que deux enfants passent, micro à main. Il servira aussi à garder des traces. « Nous allons fabriquer un livre numérique pour se souvenir du projet », précise Magali Paulic.

A découvrir ci-dessous : le livre numérique réalisé par les élèves

Un studio de radio éphémère

Studio radio temporaire à Pasteur.
Studio radio temporaire à Pasteur. (D. Gouray)

« A l'image de l'hôtel à projets Pasteur, nous avons choisi d'expérimenter de nouvelles pratiques et sommes donc ouverts à toutes sortes de propositions », explique Gwen Pacotte, chargée de piloter le projet pour la Ville de Rennes. Alors quand Ronan Le Mouhaer, journaliste radio, est venu lui proposer d'expérimenter un lieu d'éducation aux médias à travers la mise en place d'un espace radio, elle lui a permis tout simplement… de tester. Après l'accord du conseil collégial de Pasteur. 
« Mon idée est proposer de tester de nouvelles choses, pourquoi pas en accès libre », explique le journaliste. Ronan est également intervenant au master de journalisme de l'Institut d'études politiques de Rennes.  Il a donc embarqué ses seize étudiants dans un projet de création d'une émission de radio. Le thème ? Eh bien pourquoi pas tout simplement Pasteur, justement ? Les étudiants futurs journalistes ont donc dégagé deux angles différents : l'histoire de Pasteur et les tiers-lieu et le rapport à l'institution. 
Les futurs journalistes ont donc pu s'initier à prise de son, sur Pasteur ou lors de rencontre à l'extérieur. Après un mois pour  réaliser les interviews et préparer leur émission, les deux groupes de jeunes ont joué à réaliser une « vraie » émission de radio. Avec le bruit du chantier en plus…

Pour aller plus loin

La recherche au service de l'égalité

La sociologue Soizic Le Bervet étudie l'impact des usages numériques sur les enfants d'âge scolaire.

(A. Loubry)

Les usages scolaires des technologies numériques sont étudiés par des équipes de chercheurs rennais au travers notamment du programme de recherche IDEE (Interactions digitales pour l’éducation et l’enseignement).  
Une convention de partenariat pluriannuelle a été signée avec l’Université Rennes 2. Le projet s’intitule « Le primaire à Rennes et les usages du numérique à l’école (PRUNE) ». Il vise à étudier l’évolution des pratiques numériques des enfants et des enseignants du primaire sur le territoire rennais.
Le projet comprend deux volets : le premier interroge les modes d’articulation entre pratiques numériques ordinaires et pratiques scolaires et évalue la manière dont ils interfèrent dans les processus d’apprentissage et d’enseignement. Le second volet vise à analyser le rôle des usages numériques dans la relation école-famille.
 

Trois questions à Soizic le Bervet, doctorante en sociologie de l'éducation

Soizic le Bervet
(Photo Arnaud Loubry)

En quoi consiste le projet Prune ?
Il s'agit d'une thèse en sociologie intitulée "Primaire à Rennes : usages numériques en éducation". L'objectif est d'observer les pratiques numériques des enfants et des enseignants de maternelle et d'élémentaire, dans une perspective de réduction des inégalités scolaires et éducatives. Cette recherche interroge l'articulation entre les pratiques numériques à la maison ou dans la vie de tous les jours, et à l'école. Elle vise aussi à analyser les pratiques numériques dans la relation école-famille. Cette thématique n'a été que peu étudiée, les recherches menées jusqu'ici concernant d'autres aspects ou d'autres publics.

Dans quel cadre menez-vous cette recherche ?
Je suis doctorante à l'université de Rennes 2, en Sociologie de l'éducation, et je suis rattachée au laboratoire CNRS Espace et société (ESO). Il s'agit d'une recherche financée par la Ville de Rennes et par la Région Bretagne, en partenariat avec l'Académie de Rennes, qui facilite les interventions dans les écoles.

Comment se déroule la recherche ?
Je travaille sur les usages numériques des élèves et des enseignants, dans deux types d'écoles : en Réseau d'éducation prioritaire (à Villejean) et dans le centre-ville de Rennes. Concrètement, il s'agit d'observations à l'école sur les temps scolaire et périscolaire, et d'entretiens collectifs avec des enfants en petits groupes et avec leurs familles.
Cette année, j'ai construit un état de l'art, c'est-à-dire une revue de la littérature scientifique sur ces questions. Cela me permet d'appuyer ma recherche sur ce qui a déjà été travaillé par des chercheurs. J'ai également rencontré les différents acteurs de l'éducation du territoire rennais. Enfin, j'ai préparé l'enquête que je mènerai plus en profondeur à partir de l'année prochaine : j'ai notamment pris contact avec les écoles concernées par la recherche (directeurs et enseignants), et j'ai mené des observations et des entretiens avec les enseignants et quelques familles des écoles concernées. L'enquête elle-même sera réalisée en 2019-2020 et l'écriture de la thèse l'année suivante.
Le projet comprend également un volet accompagnement, qui peut prendre différentes formes : des interventions pour la Ville, ou des présentations des avancées puis des résultats de la recherche. En tant que chercheuse, mon rôle ne consiste pas à faire des préconisations directes sur les actions qui doivent être menées en matière de politique éducative, mais la Ville pourra se saisir des résultats qui seront proposés en fin de thèse.

F. Le Nigen

Prévention et accompagnement au numérique

Les professionnels du projet de Réussite éducative accompagnent des enfants et leurs parents dans des quartiers prioritaires. David Champs, qui intervient à Maurepas, le constate tous les jours :  la question du numérique est désormais au cœur des préoccupations parentales, mais aussi des professionnels de l'éducation.

« Notre mission est d'être facilitateur, de donner les clés aux parents pour accompagner au mieux leurs enfants ». Dans cet objectif, l'animateur a conduit un projet  à l'école maternelle des Gantelles : " Les petits et l'écran : comment faire autrement ? ". Une quarantaine de parents ont ainsi participé à des "causeries" au cours desquelles il était question des besoins de l'enfant, de la prévention face aux risques liés à l'exposition des écrans, ou de l'utilisation de tablettes pour les bébés…A la suite de ces rencontres, un document de sensibilisation a été édité et est consultable en ligne. 
 

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