Prescriptions muséales : quand l’Art devient un remède

Sport et culture
Prescription muséale devant les oeuvres
(Arnaud Loubry)

Depuis 2022, la Ville et la Métropole de Rennes ont lancé une initiative originale : les prescriptions muséales. Un dispositif qui, sur recommandation des professionnels de santé, permet à des patients de découvrir gratuitement des activités culturelles dans des musées et centres d’art partenaires. Deux ans après son lancement, les premiers retours sont très positifs et l’idée d’une pérennisation se profile.
 

Une idée venue d'ailleurs

Inspirées de l'initiative du musée des beaux-arts de Montréal, les prescriptions muséales visent à encourager les patients à prendre soins d'eux par la culture. La légitimité de cette démarche s'appuie sur de récentes études qui apportent des preuves de l'impact bénéfique des arts et de la culture sur la santé des populations et leur bien-être, en particulier sur un rapport produit par l'Organisation Mondiale de la Santé en 2019. Rennes fait figure de précurseur en France avec cette approche novatrice.

En pratique, un patient peut se voir remettre une prescription, qui lui permet d’accéder gratuitement à diverses expositions proposées par des lieux culturels tels que La Criée, 40mcube, le Musée des beaux-arts de Rennes, le Musée de Bretagne, Les Champs Libres ou encore l’Écomusée de la Bintinais. Les patients, peuvent venir en compagnie d’un proche et bénéficient de l’accompagnement de médiateurs culturels s'ils le souhaitent. " Ce projet ne relève pas d'une démarche d'art-thérapie mais vise à agir sur l'environnement psychosocial des personnes, en s'appuyant sur leur pouvoir d'agir ", décrypte Morgane Rouet, chargée du développement de l'action culturelle à Rennes Métropole. "Grâce au neuroscience nous savons aujourd'hui que L’art a un impact réel sur le cerveau, la sécrétion de dopamine notamment qui procure du bien-être."

Un dispositif partagé entre culture et santé

Le principe de ces prescriptions est simple : un professionnel de santé remet une ordonnance numérotée fournit par Rennes Métropole, permettant au patient d'accéder gratuitement à une offre culturelle. Ce partenariat inédit entre les secteurs de la santé et de la culture est le fruit d’une collaboration active entre neuf structures de santé rennaises ou métropolitaine (comme le Centre Hospitalier Guillaume-Régnier, le Centre Communautaire de Santé du Blosne ou la Clinique Philae) et une sélection de musées et centres d’art.

Chaque ordonnance est accompagnée d’un livret qui présente les lieux culturels partenaires et donne les contacts des médiateurs. "Nous voulons offrir une expérience agréable et bénéfique, et la possibilité d'un accompagnement sur mesure", précise Morgane Rouet. "La visite peut être adaptée selon les besoins des patients, qu’ils aient des difficultés à se déplacer ou qu’ils préfèrent un parcours sensoriel." L’objectif n’est pas de forcer la participation, mais bien de donner aux patients la possibilité de choisir, de s’offrir un moment de détente et de contemplation, loin du cadre médical.
 

femme regardant un tableau
(A. Loubry)

Des résultats encouragements

Les premiers retours de l'expérimentation sont positifs. Selon les chiffres, environ 26% des prescriptions ont été utilisées. Ce taux peut paraître faible, mais il est comparable à celui des prescriptions classiques de médicaments. "Le plus important, c’est que les personnes ont le choix du lieu et de la forme de la visite, elles sont reconnues et considérées dans leur capacité à prendre soin d'elle-même, nous sommes là pour mettre en place les conditions qui leur permettront de passer un moment agréable", souligne Morgane Rouet. 

Annaïg Rocheron, sage-femme au Centre Communautaire de santé du Blosne, a vu l'impact direct de cette initiative sur ses patients. "Au départ, on se demandait si cela allait parler à nos patients, surtout dans un quartier populaire où la culture muséale n'est pas forcément dans les mœurs", confie-t-elle. " J'ai prescrit des visites à des mamans épuisées, pour qu'elles prennent du temps pour elles. Certaines familles ne partaient pas en vacances cet été, j'ai délivré des ordonnances à des enfants pour que leurs parents les accompagnent au musée. C'est un moyen de leur offrir un moment ensemble."
D'autres prescriptions ont été faites pour des patients souffrant de dépression ou de solitude... "Certains patients n'ont pas compris son utilité au départ. C'est vrai que la plupart des visites sont gratuites, hormis les expositions temporaires. Notre rôle est de leur expliquer qu'il faut prendre cette proposition comme un soin. Dans la symbolique du patient c'est important de voir qu'en tant que professionnel, on voit cela comme un impact positif sur leur santé" explique Annaïg Rocheron.

Vers un modèle pérenne

Les prescriptions muséales ne se contentent pas d’être une mode passagère, l'activité artistique et culturelle étant aujourd'hui reconnue comme une option de traitement non invasif et à faible risque, complémentaire des traitements biochimiques et pharmaceutiques. L’objectif est désormais d’en faire un programme pérenne, ancré dans le quotidien des métropolitains, et pourquoi pas, d’étendre cette initiative à d’autres partenaires culturels du territoire " L'impact thérapeutique de l'art pour tous et toutes est avéré ", conclut Morgane Rouet. "En intégrant l’art dans le parcours de soin, on offre aux personnes une possibilité de prendre soin d'elles-mêmes, de se reconnecter à leurs émotions, et au monde qui les entoure."
Les prescriptions muséales ouvrent ainsi une nouvelle voie, alliant soin, culture et bien-être, et pourraient bien devenir un modèle de référence pour le soin de demain.
 

Cyndie Gueutier