Longtemps voué exclusivement à l'industrie automobile "carbonée", le site de la Janais, à Chartres-de-Bretagne, a engagé sa mutation. A côté de l'usine du groupe Stellantis (ex-PSA) qui va y produire une voiture électrique, Rennes Métropole et la Région Bretagne font émerger un Pôle d'excellence industrielle (PEI) sur des terrains rachetés au constructeur. Dédié aux activités de la mobilité et de l'habitat durables, ce site - hier menacé de fermeture et sauvé par l'intervention des pouvoirs publics - sera demain le fer de lance de l'industrie du futur, de l'innovation et des pratiques vertueuses en matière d'écologie industrielle.
On ne connaît pas encore son appellation commerciale. Seulement son nom de code: CR3. Une nouvelle Citroën qui succèdera à l'actuelle C5 Aircross sur les lignes de fabrication de la Janais d'ici quelques années. Elle sera produite en versions thermique, hybride mais aussi électrique. Une vraie révolution pour la marque aux chevrons!
Ce 26 octobre 2021, l'annonce en est faite très officiellement par le directeur du site Stellantis de la Janais, Etienne Martin-Commandeur, en présence de la présidente de Rennes Métropole, Nathalie Appéré, et du président de la Région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard.
Pour tous, l'attribution d'un nouveau modèle à l'usine de Chartres-de-Bretagne est une excellente nouvelle. Car elle donne de la visibilité sur le long terme au site automobile et à ses quelque 1300 salariés. D'autant plus que Stelllantis va investir massivement - 152 millions d'euros - pour implanter à la Janais sa nouvelle plateforme capable de produire simultanément la CR3 dans toutes les motorisations. Un vrai renouveau pour l'usine qui fête ses 60 ans cette année!
Au moment de cette annonce, ce nouveau modèle n'en est encore qu'en phase de conception dans les bureaux d'études du groupe Stellantis. Mais déjà, l'arrivée prochaine d'un modèle électrique à la Janais annonce une véritable mutation technologique du constructeur. Elle fait écho à celle du site en pleine conversion industrielle.
Après avoir relevé le défi de l'hybride, nous allons maintenant relever celui de l'électrification et de la neutralité carbone et ainsi répondre aux nouveaux enjeux de société.
La conversion de Stellantis à l'électrique conforte la nouvelle vocation de la Janais
Un enthousiasme partagé par Nathalie Appéré, présidente de Rennes Métropole qui souligne "le chemin parcouru depuis quelques années. En 2012, l'usine était menacée de fermeture". La mobilisation collective de l'État, de la Région, du Département et de Rennes Métropole aux côtés du constructeur a permis de sauver la Janais. Et d'engager sa réindustrialisation dès le milieu des années 2010 "avec la volonté de faire de ce site exceptionnel une vitrine de l'industrie du futur, pauvre en carbone et riche en emploi" poursuit la présidente de la métropole.
Un site industriel désormais tourné vers les nouvelles mobilités et l'habitat durable qui constituent les deux piliers du renouveau de la Janais, porté par la Métropole et la Région. "L'annonce de Stellantis d'une nouvelle plateforme de production d'un véhicule hybride et électrique confirme nos orientations, se félicite Nathalie Appéré. Cela va nous offrir de nouvelles opportunités d'implantations d'entreprises, avec Stellantis comme locomotive du site."
Notre ambition est de faire de La Janais un site exemplaire de l'industrie du futur, riche en emplois et pauvre en carbone. Lutter contre le réchauffement climatique n'est une option et le rôle de nos institutions est de tout faire pour accélérer les transitions. Le Pôle d'excellence industrielle offrira aux entreprises de la mobilité dé carbonée et du bâtiment durable un écosystème idéal pour cela. L'annonce de Stellantis de l'accueil d'une nouvelle plateforme de production d'un véhicule hybride et électrique confirme nos orientations.
L'ambition est partagée par Loïg Chesnais-Girard, président de la Région: "Nous sommes déterminés à avoir les usines et l’écologie en Bretagne, L’annonce de ce nouveau véhicule, les investissements massifs qui seront réalisés sur le site pour s’inscrire dans une trajectoire décarbonée (ndlr: réduisant les émissions de dioxyde de carbone), le développement du Pôle d’excellence industrielle sont autant de bonnes nouvelles pour l’emploi, l’industrie et la transition".
En effet, à côté de l'usine rennaise du groupe automobile de taille mondiale, la Métropole et la Région font naître un "Pôle d'excellence industrielle" (PEI) sur des terrains rachetés dès 2015 au constructeur qui réduit ses emprises foncières. Pas étonnant donc que ce 26 octobre 2021 l'annonce de l'attribution de la CR3 à la Janais coïncide avec la signature d'un protocole entre Stellantis et Rennes Métropole pour l'acquisition par la collectivité d'une nouvelle emprise de 8 ha sur lequel est implanté le "bâtiment 78". Il est voué à devenir le poumon du PEI.
Faire émerger l'industrie du futur à la Janais
Le Pôle d'excellence industrielle qui prend forme à la Janais ne naît pas ex nihilo. Dès 2015, Rennes Métropole, qui accompagne la réindustrialisation du site initiée par PSA, prend le relais de l'industriel aux côtés de la Région et du Département. En réponse à la volonté de Peugeot-Citroën de réduire son emprise industrielle pour diminuer ses coûts, les trois collectivités acquièrent 53 ha sur le site de la Janais.
L'idée: aménager sur ces terrains à vocation industrielle une nouvelle zone d'activité pour répondre aux demandes d'implantation d'entreprises en recherche de grandes parcelles. Une véritable opportunité en cœur de métropole où le foncier disponible se fait rare. Et une ambition forte: "Nous souhaitons faire à la Janais un site exemplaire de l'industrie du futur connectée aux nouvelles technologies et économe en énergie, annonce alors Rennes Métropole. Un site "réservé en priorité aux activités industrielles spécialisées dans la mobilité durable et l'écoconstruction". La nouvelle vocation de la Janais est actée!
La réalisation du PEI concrétise la volonté de faire émerger un pôle industriel exemplaire à la Janais où la puissance publique maîtrise quelque 80 des 250 ha du site, après l'acquisition de 13,5 ha supplémentaires. Ce pôle se veut résolument tourné vers l'industrie du futur qui s'annonce plus agile, plus connectée, à faible impact environnemental. Son rôle sera d'accompagner la création de start-ups industrielles, l'implantation de nouvelles activités ainsi que la mutation technologique d'entreprises régionales. Mais aussi de créer un écosystème d'innovation vertueux, capable de profiter aussi bien aux jeunes pousses qu'à l'usine Stellantis et de contribuer ainsi à la pérennité de son implantation rennaise.
Objectif: réindustrialiser la Janais et plus largement le territoire de la métropole, en créant des emplois industriels qualifiés accessibles aux salariés issus des secteurs traditionnels; et en structurant un pôle de compétence reconnu dans les industries de la mobilité décarbonée et de l'habitat durable, deux filières ciblées comme prioritaires pour le territoire. Ambition supplémentaire : faire émerger sur le site en pleine résilience de bonnes pratiques en matière d'écologie industrielle: conservation des haies et boisements, optimisation des consommations d'énergie et du cycle de vie des bâtiments…
Un Pôle, plusieurs sites
A quoi va ressembler ce Pôle d'excellence industrielle? Voici déjà un état des lieux des emprises foncières et des bâtiments, répartis sur différents secteurs de la Janais, qui vont le composer, ainsi que les services qui seront proposés.
- Rennes Métropole dispose depuis 2016 de 53 ha sur plusieurs sites disséminés dans l'emprise de la Janais. Desservis principalement par l'axe nord-sud traversant la zone, ils sont constitués essentiellement d'anciens parkings mais on y trouve aussi des espaces boisés. Ils sont destinés à accueillir de nouvelles implantations d'entreprises en phase avec la nouvelle vocation de la zone d'activité.
- La métropole a par ailleurs acquis en 2021 un site de 8,5 ha sur lequel est érigé un bâtiment industriel de 25 000 m² ainsi que des locaux tertiaires totalisant quelque 5000 m². Ce "bâtiment 78" est le futur poumon du PEI. Il développera trois fonctions principales:
- un incubateur-pépinière-hôtel d’entreprise pour accueillir des sociétés industrielles sur des durées variables et leur mettre à disposition des bureaux, des ateliers industriels, des lieux de vie et d'échange partagés…
- une ou plusieurs plateformes d’innovation accessibles aux entreprises hébergées et aux porteurs de projet
- une aide au développement industriel avec des services sur mesure proposés aux entreprises : soutien aux process industriels, ateliers mutualisés, assistance administrative et RH, salles de réunion et espaces de démonstration, etc.
- plusieurs partenaires du projet seront également hébergés dans ce "bâtiment-totem": la plateforme d'innovation Excelcar déjà présente à la Janais, le Campus des métiers et qualifications bâtiment durable, Maupertuis industries, ESI Group…
- une mise en service du bâtiment prévue courant 2025
- Territoires Publics, en tant qu’aménageur pour le compte de Rennes métropole, mène les études d'aménagement du site et est également en charge de la commercialisation de la ZAC La Janais. Les travaux de réhabilitation du bâtiment 78 (ci-dessous) sont également engagés par Territoires Publics.
- Par ailleurs, l'Etablissement public foncier de Bretagne a acquis en 2021 pour le compte de Rennes Métropole un site de 13,5 ha qui accueillait l'activité de ferrage de PSA. Il est destiné à accueillir des développements futurs du PEI.
- Près de 80 ha sont donc sous la maîtrise de Rennes Métropole qui, entre les acquisitions foncières réalisées et à venir et les différents aménagements, consacre quelque 50 millions d'euros à la réalisation de cette zone. Cette superficie pourra encore s'étendre au fil des années, Stellantis souhaitant poursuivre progressivement le compactage de son site de production et se défaire des emprises devenues inutiles.
- Enfin, le groupe Eiffage est également présent depuis 2019 sur le site de la Janais où il a acquis 22 ha dans l'objectif d'y accueillir également des activités et des entreprises répondant à la vocation de la ZAC (Zone d'aménagement concerté) métropolitaine. Euroshelter, qui concevait jusqu'alors à la Courrouze des unités mobiles à usage militaire, s'y est implanté en 2021. Et le fabricant de conduits de cheminée Joncoux y mettra en service une usine flambant neuve, la première sur le Pôle d'excellence industrielle, début 2025.
En résumé, le projet général est de créer un site clé en main offrant du foncier disponible et de l'immobilier industriel de qualité aux entreprises, dans un aménagement environnemental exemplaire et une desserte de la zone améliorée. Mais pas seulement. La volonté est de proposer également un accompagnement sur mesure aux futurs occupants, en particulier pour le soutien aux process industriels mais aussi pour le montage de dossiers, l'aide à la recherche de financements, la prospection foncière, la facilitation administrative, la mise à disposition d'ateliers mutualisés... Ou encore des compétences en ingénierie industrielle, des services RH ou des formations in situ s'adaptant aux besoins des entreprises.
Le terrain libéré est favorable pour la mise en place d’un site industriel exemplaire à l’heure de l’industrie 4.0 et de la transition énergétique. La situation du terrain aux portes de l’agglomération, à proximité de l’acteur industriel le plus important du secteur et de l’aéroport le rend éminemment stratégique.
Un site exceptionnel aux portes de Rennes
Pour les habitants du territoire comme pour les acteurs locaux de l'économie, la Janais constitue, avec son aîné de la Barre-Thomas, le site emblématique de l'industrie du Pays rennais depuis tout juste soixante ans. S'il a suivi, et aussi subi, les fluctuations du marché automobile, il dispose aujourd'hui de très nombreux atouts:
- une implantation en cœur de métropole
- une surface foncière disponible très importante pour les activités et industries "compatibles" qui cherchent du foncier disponible à proximité immédiate de Rennes, la Métropole et Eiffage maîtrisant déjà près de 80 des 250 ha du site
- un positionnement stratégique près de voies de desserte majeures (route de Nantes, route de Lorient, rocade, etc.) et la présence de voies ferrées in situ offrant une opportunité de desserte industrielle par le rail
- un tissu universitaire et technologique important sur le territoire qui peut venir en appui des entreprises innovantes qui s'installeront sur le Pôle d'excellence industrielle.
De la menace de fermeture à la réindustrialisation du site
En dépit de ces atouts, la vie n'est pas un long fleuve tranquille à la Janais. Retour au début des années 2010. PSA va mal, une nouvelle fois. Car les plans de restructuration se sont succédé depuis les années 90. De 12000 salariés dans les années 60 (en comptant ceux de l'usine-sœur de la Barre-Thomas ), les effectifs de l'usine ont déjà été ramenés à environ 10 000 employés en 2000. Ils tournent autour de 5500 à l'issue du plan "Rennes 2010" qui a entraîné 3000 nouvelles suppressions de postes. Des effectifs encore trop élevés pour le groupe automobile. Les modèles haut de gamme de PSA (Peugeot 508 et Citroën C5 et C6), spécialité du site rennais, n'ont plus la cote sur ce segment face aux marques étrangères. Sans compter les crises de 2008 et 2011 qui ont mis à mal le marché automobile. Peugeot-Citroën va donc lancer un nouveau plan de restructuration national.
Un temps troisième plus grosse usine du groupe PSA, la Janais est sur la sellette l'année même où elle fête ses cinquante ans. Nous sommes en 2011. Les syndicats ne cachent pas leur crainte de voir le site fermer. Conçu à l'origine pour produire 400 000 voitures par an, un chiffre jamais atteint, l'outil de production de la Janais a été redimensionné pour 200 000 véhicules. En réalité, l'usine en produit au mieux quelque 180 000 en 2011. Et les chiffres des années suivantes sont en chute libre, pour plonger sous les 60 000 véhicules en 2016.
Le groupe lance en 2012 un Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE)… qui se traduit par la suppression de 8000 emplois en France, dont 1400 postes à la Janais. La volonté est de recourir au maximum à des départs volontaires et à des reclassements. Et si nécessaire à des licenciements. A la Janais et dans tout le pays de Rennes, on est sous le choc. Selon les syndicats de l'entreprise, on ne comptera plus à terme que 3000 salariés dans l'usine de Chartres de Bretagne. C'est aussi un coup dur pour nombre d'entreprises régionales: on considère souvent que d'un poste à la Janais dépendent trois emplois dans des entreprises de sous-traitance.
Les salariés sous le choc
En contrepartie de cette réduction massive des effectifs, la direction du groupe promet de confier la fabrication d'un nouveau véhicule au site rennais en 2016. Par ailleurs, le PSE de PSA s'accompagne d'un plan de réindustrialisation du site sur lequel de nombreux bâtiments et surface non couvertes vont être libérés. C'est l'opportunité d'y accueillir de nouvelles entreprises et d'offrir un reclassement sur place à des salariés-maison.
La SNCF est la première à s'y installer avec un atelier de rénovation des rames TGV. 80 salariés de PSA y trouvent un nouvel emploi. Puis c'est au tour du constructeur de maisons-containers B3 Ecodesign de s'y implanter. D'autres entreprises vont suivre comme Pigeon ou Suez Environnement. Sans oublier la plateforme à vocation internationale de R&D Excelcar, alors dédiée à la carrosserie du futur à base de matériaux composites, qui s'installe à l'entrée du site de la Janais.
Début 2014, PSA annonce que les 1400 départs non contraints ont été atteints: 130 mobilités internes vers d’autres sites du groupe PSA, 550 congés seniors (aménagement de la fin de carrière jusqu’au départ à la retraite), 100 créations ou reprises d'entreprises, 600 reclassements externes dont 200 en réindustrialisation du site (dont 80 détachements au sein du Technicentre SNCF et 80 dans la création d’une activité d’expertise et d’innovation au sein du pôle carrosserie PSA).
La C5 aircross et le Pôle industriel relancent la Janais
C'est à ce moment que Rennes Métropole, la Région et le Département saisissent l'opportunité d'investir la Janais pour y implanter un pôle industriel exemplaire sur les terrains qu'elles rachètent à Peugeot-Citroën, l'industriel n'ayant plus l'utilité de la totalité des emprises de son site rennais qui s'étend sur 250 ha.
Dans le même temps, PSA tient ses promesses. En juin 2016, le nouveau PDG de Peugeot-Citroën Carlos Tavares vient en personne à la Janais pour confirmer l’attribution d'un nouveau véhicule à l'usine de Chartres, jusqu'alors très inquiète pour son avenir. Nom de code: C84, un 4x4 urbain (SUV) de marque Citroën qui sera produit dès 2018. C'est en fait le futur C5 Aircross. Une bonne nouvelle pour les salariés du site, la construction de la remplaçante de la Peugeot 5008 à partir de la fin 2016 et la micro-production de l'électrique E-Méhari ne suffisant pas à garantir la pérennité du site à moyen terme. Rennes Métropole et la Région vont contribuer à hauteur de 10 M€ aux investissements nécessaires à la production de la C5 Aircross.
Là où on parlait d'incertitudes, nous pouvons parler aujourd'hui de sérénité avec cette annonce qui donne dix ans de visibilité industrielle au site de Rennes.
C'est le plan de redressement du groupe PSA et les efforts de performance consentis par l'usine de la Janais qui ont changé la donne. Pour Jean-Yves Le Drian, alors président de la Région, et Emmanuel Couet, alors président de Rennes Métropole, présents lors de cette annonce, "cette bonne nouvelle vient renforcer la pérennité du site, ainsi que l'ensemble de la filière automobile bretonne. C'est aussi la reconnaissance des compétences des équipes du site. " Pour la Région et la Métropole, qui se sont engagées dans un partenariat avec PSA, "cette décision démontre que la Bretagne reste une région automobile compétitive en Europe. Elle renforce la filière automobile bretonne qui emploie 20 000 salariés".
Dès le début 2017, le groupe PSA investit 100 millions d'euros pour moderniser en 4e vitesse la Janais: l'usine doit être prête à produire son 4x4 urbain courant 2018. Objectif principal: diminuer encore les coûts de production du site, jugés trop élevés. "Nous allons créer une nouvelle ligne de montage, plus compacte, plus simple, plus performante", annonce en juin Frédéric Laganier, alors directeur de la Janais. "Un vrai défi mais nous disposons d'un site et d'une équipe ultra-motivés".
Le challenge: atteindre une production de 100.000 véhicules par an. En contrepartie de la construction du nouveau véhicule que d'autres sites PSA convoitaient, les salariés de la Janais ont dû faire des concessions importantes pour atteindre le niveau de compétitivité exigé par le groupe: gel des salaires jusqu'en 2019, suppression de jours de congés pour certaines catégories, etc. Ce "contrat d'avenir pour Rennes" a été signé par cinq des six organisations syndicales de l'usine. Pour Laurent Valy, de la CFDT, "ces dernières années, on était sur une logique de fermeture de site. On s'attendait au pire pour 2020-2021. Aujourd'hui on voit qu'on peut avoir un avenir. Mais ce ne sera plus un site de 12.000 salariés comme on a connu. Si on peut sauver notre filière automobile avec 1500 ou 2000 salariés à la Janais, on reviendra de loin. "
Cette nouvelle étape s'accompagne d'un très fort succès commercial de la 5008 et C5 Aircross qui conduit PSA à réembaucher dans les années 2017-2020. Les ventes dépassent les 100 000 véhicules en 2018 et même les 150 000 en 2019 pour retomber brutalement à 95 000 en 2020 en raison de la pandémie de Covid19. Conséquence, les effectifs qui avaient un temps repassé la barre des 3200 salariés sont ramenés à peine 2000 salariés du fait de la crise sanitaire. Puis à 1300 en septembre 2021 après une nouvelle réduction d'effectifs due cette fois-ci à la pénurie de semi-conducteurs liée au redémarrage de l'industrie mondiale. Aujourd'hui, tous partagent l'espoir que la production de la future C5, notamment en version électrique, et la conversion du site à l'industrie du futur apporteront le nouveau souffle qu'attend la Janais.
La Janais, une usine au milieu des champs
Construite en pleine campagne à la fin des années 1950, à quelques encablures de Rennes, l'usine Citroën de la Janais est une véritable ville de près de 250 ha. Depuis 60 ans, ses milliers d'ouvriers ont fabriqué des millions de voitures et une vingtaine de modèles.
Point de génération spontanée ici mais la conséquence d’une rencontre survenue en juillet 1958. La scène pourrait être tirée d’un film mais se déroule en pleine campagne : un convoi de 6 DS noires – le vaisseau-amiral de Citroën – s’arrête devant le domicile d’Antoine Chatel, le maire de Chartres-de-Bretagne. C’est le PDG de la marque aux chevrons, André Bercot, qui avec quelques collaborateurs vient présenter à l’élu breton un gigantesque projet : la construction sur plus de 200 hectares d’une usine au lieu-dit La Janais. Les travaux vont mobiliser quelque 2 500 ouvriers, ce qui dit l’énormité de ce chantier.
Celui-ci contraste singulièrement avec le type d’habitat que l’on rencontre à l’époque dans le pays de Rennes. Dans les années 1950, l'aire urbaine est beaucoup plus restreinte qu’aujourd’hui. Le Blosne, à Rennes, est encore entièrement bocager tandis que la Maltière, à Saint-Jacques de la Lande, reste en périphérie de la cité. Plus au sud, Chartres-de-Bretagne est au milieu des champs. Au recensement de 1954, la commune compte tout juste un millier d’habitants, pour l’essentiel des paysans. C’est dire si l’implantation de cette usine automobile relève d’une véritable révolution culturelle.
Terrain approprié et main d'œuvre à proximité
Le choix du site répond en fait à des impératifs pratiques : le terrain est relativement plat et permet de faire des économies de terrassement. Au total, 15 kilomètres de haies sont arasés et plus de 500 000 mètres cubes de terre déplacés. Des chiffres qui donnent le tournis car ce ne sont pas seulement des lignes de production qu’il faut construire. Il faut en effet pouvoir expédier les voitures dans toute l’Europe. Pour cela, l’usine est reliée à un vaste réseau de routes et de chemins de fer.
La Janais est à dire vrai si grande qu’elle constitue une véritable ville au milieu des champs. L'usine s’étend sur le tiers de la surface de Chartres-de-Bretagne. Sa construction nécessite même de racheter trois fermes. Plus tard, nombreux seront les nouveaux ouvriers, dans une région où ils ont la réputation d'être dociles, qui quitteront l’agriculture pour venir - de soixante kilomètres à la ronde - travailler chez Citroën.
C'est la réalité d’une Bretagne qui roule vers la « modernité triomphante », celle-ci étant alors indexée sur la ville, l’industrie et l’automobile. C’est ce message politique que Charles de Gaulle souhaite faire passer lorsqu’il inaugure en grande pompe l’usine, le 10 septembre 1960.
De l'Ami 6 à la future C5 électrique
La mythique Ami 6 sera la première Citroën à y être produite dès 1961 et pendant une dizaine d'années. Extrêmement concurrentiel, le marché de l’automobile impose de sortir en permanence de nouveaux modèles et de produire sans cesse plus de véhicules. Lancée en 1970, et élue l’année suivante « voiture de l’année », la GS est le modèle-phare de La Janais : au total, plus 2 millions d’exemplaires sont produits ! C’est donc sans surprise que l’on voit l’usine s’agrandir dès 1962 avec la construction de bâtiments de peinture et de montage. Viennent également s’adjoindre des édifices accueillant des services administratifs ou encore des solutions de restauration pour les employés. En 1967, Citroën compte plus de 6000 salariés à La Janais.
Malgré cette croissance impressionnante, la marque aux chevrons est obligée de fusionner avec l’un de ses concurrents, le sochalien Peugeot, en 1976. À La Janais, s’il est un véhicule qui symbolise cette époque, c’est la Visa : une petite voiture à quatre portes, polyvalente et accessible à un large public, qui est produite à plus de 500 000 exemplaires à Chartres-de-Bretagne. Puis vient ensuite, dans les années 1980, la BX. Un dessin certes massif mais une silhouette reconnaissable entre mille, parfaitement dans l’air de l’époque et produite à presque 2 millions d’exemplaires. Xantia, C5 et C6, 407, 508, 5008, C5 Aircross… Une dizaine d'autres modèles suivront. Le prochain, annoncé en octobre 2021, sera la "CR3", pour l'heure connue sous son seul nom de code, qui sera proposée en version électrique. Preuve que le modèle d’une industrie automobile "décarbonée" se construit aussi à la Janais!
Erwan Le Gall
Près d'une vingtaine de modèles produits en 60 ans
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