Salle de la Cité : un siècle d’histoire

Sport et culture

On l’associe souvent aux musiques actuelles, au regard des concerts d’anthologie qu’elle a accueilli. Mais La Cité, ça n’est pas que ça ! Salle de réunion de la Maison du peuple, cinéma, Maison de la culture... à quelques jours de sa réouverture, découvrez l’histoire (et les secrets) de ce lieu qui tient une place particulière dans le cœur des Rennais.

cité

(Re)découvrez la Cité !

À l'occasion des Journées européennes du patrimoine, la salle de la Cité rouvre ses portes aux Rennais !

Les 19 & 20 septembre :
Le matin, 10h-12h, visites guidées sur inscription auprès de Destination Rennes
L'après-midi, 14h-18h, visites et ambiance sonore sur inscription
 

Pour comprendre l'histoire de la Salle de la Cité, remontons quelques décennies avant sa création. En 1884, une loi légalise la création des syndicats en France. La solidarité ouvrière s'organise au sein de Bourses du travail, où ils se réunissent. Celle de Rennes ouvre en 1893. Elle accueille des activités syndicales bien sûr, mais aussi des activités culturelles, un bureau de placement des ouvriers, et même, dès 1907, une clinique qui offre des consultations gratuites.

Bourse du travail
À ses débuts, la bourse du travail se trouve Place du Champ Jacquet. Ici en 1910, lors d'une grève des cheminots. ((Archives de Rennes - 210 J 165))

Résultat ? Entre ses multiples activités et le nombre de syndicats qui s'accroît, le bâtiment occupé devient rapidement trop petit : il faut déménager. Mais pas dans n'importe quelles conditions ! Les syndicats veulent se libérer du contrôle de la municipalité, qui possède les locaux…

La création de la Maison du Peuple

En 1911, les syndicats Rennais fondent la société civile de la « Maison du peuple » et acquièrent des terrains rue Saint-Louis pour devenir les propriétaires d’une nouvelle Bourse du travail. On est alors loin des concerts de Ben Harper ou d’IAM qui déchaîneront les foules, 80 ans plus tard, au même endroit : en fait de Maison du peuple, il n’y a pour l’heure qu’un petit hangar dans lequel se tiennent les réunions syndicales, en attendant une future construction. Insuffisant pour les quelques 5000 syndiqués que compte la ville à l’époque, sur 79 000 habitants.

La situation se débloque quand Jean Janvier, maire de Rennes, fait voter le projet de construction d’une salle de réunion d’une capacité de 1600 personnes sur le terrain, en récompense « du bon comportement de la classe ouvrière » pendant la guerre.
Nous sommes alors en 1919.
C’est la future salle de la Cité.

  • 5 000 syndiqués à Rennes en 1911

Multi-usages

Aux manettes des plans de la Maison du peuple, on retrouve Emmanuel Le Ray, l’architecte de la Ville auquel on doit notamment la piscine Saint-Georges, les halles centrales ou encore l’immeuble des Galeries Lafayette. Le bâtiment est inauguré en grande pompe en 1925, « devant une salle archicomble », relate l’Ouest-Éclair dans son édition du 19 avril de la même année. À l'époque déjà, la Maison du peuple est bien plus qu'un lieu de réunion des syndicats. C'est un lieu d'éducation, un lieu de culture, où l'on assiste à des spectacles, des projections... Dans la continuité de la clinique de l'ancienne Bourse du travail, un dispensaire y est également ouvert en 1926.

Peinture secrète !

Chargé de la décoration de la Maison du peuple en 1925, le peintre Rennais Camille Godet réalise « Le travail », une peinture représentant les différents corps de métiers du bâtiment et la transformation de Rennes. Là où l’histoire devient folle, c’est que cette œuvre avait tout simplement été… oubliée.
Dixit la légende, il faut attendre 1986 et un concert de Bérurier noir aux Transmusicales pour qu’elle soit redécouverte. La chaleur et la sueur des spectateurs auraient fait se décoller les plaques qui la recouvraient !
La version officielle est moins rocambolesque : occultée après la Seconde Guerre mondiale alors que la salle est devenue un cinéma, la peinture a été redécouverte en 1994 à l'occasion de travaux de réfection.
Classée aux monuments historiques en 1997, l'œuvre a été rénovée et est à nouveau visible.

Cinéma militant

Promesse du maire Jean Janvier, une cabine de projection à la pointe est installée dans la Maison du peuple lors de sa construction. Cette particularité fera de La Cité un cinéma à part entière jusque dans les années 1960. D'abord « Le Carillon », puis « Le Celtic » à partir de 1942, ce cinéma réputé militant ne cessera son activité qu'en 1962, par manque de fréquentation.

Publicité pour Le Carillon dans L'Ouest-Éclair du 18 janvier 1938 (Gallica - BnF)
Publicité pour Le Carillon dans L'Ouest-Éclair du 18 janvier 1938 ((Gallica - BnF))
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À nouveau… trop petite

Dès 1930, la Maison du peuple devient... trop petite. Encore. Il faut dire que le nombre de syndicats et de syndiqués explose : un projet d’agrandissement est lancé. Les syndicats cèdent à la Ville leur terrain rue Saint-Louis, en échange de quoi la municipalité bâtit l’extension. Les travaux se terminent en 1938 et la Maison du peuple accueille alors pas moins de 65 syndicats. En 2011 il n'en restera plus qu'un : l’Union départementale CGT.

  • 65 syndicats à Rennes en 1938

Puisse la classe ouvrière fréquenter [cette maison] avec une conscience chaque jour accrue de ses droits et de ses devoirs. Puisse cette Maison du Peuple [...] jouer dans notre chère cité ce rôle de conciliation, de concorde et de fraternité civique.

François Château, Maire de Rennes, lors de l’inauguration de l’extension en 1938

Nouvelle vie

Après la fermeture du cinéma, la Ville récupère la gestion de la salle de réunion en 1964. Un nouveau projet y émerge : la municipalité met le bâtiment à disposition de la Maison de la culture. C'est à cette époque que le lieu sera officiellement baptisé salle de la Cité.

La Maison de la culture, c'est quoi ?

La Maison de la culture, cela ne vous dit rien ? C'est pourtant de cette structure qu'a émergé l'un des plus gros acteurs culturels du territoire : le Théâtre national de Bretagne. Pensé comme "un lieu de rencontres entre des disciplines culturelles diverses", à destination d'un "public correspondant à la population ordinaire d'une ville", cette structure au format tout-en-un séduit les Rennais dès son lancement, en 1965. On y voit du théâtre, de la danse, des projections... Quelques années plus tard, la Maison du la culture et le Centre Dramatique National formeront le Grand huit et fusionneront pour devenir le Théâtre national de Bretagne en 1990.

Après le départ de la Maison de la culture, qui s'installe dans de nouveaux locaux, La Cité devient un lieu de représentations et de réunions, qui accueille les rdv de nombreuses associations rennaises, de l'Amicale des facteurs à l'Union des étudiants libanais.

Les 70 glorieuses

Les années 1970 sont l’époque à laquelle la Cité devient une place forte des musiques actuelles à Rennes. Elle le restera pendant près de 30 ans, portée par le succès du mastodonte rennais qui y verra le jour : Les Transmusicales. L’emblématique festival fera de La Cité son QG jusqu’à ce que, devenu trop gros, il doive déménager. Au rayon des concerts mythiques qu'a pu accueillir La Cité, citons en vrac Ben Harper, Björk, les Négresses vertes…

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Les 1ères rencontres TransMusicales ont eu lieu à La Cité, en 1979 (Association des TransMusicales)

Un équipement culturel au cœur du centre-ville

Après plusieurs années de fermeture et plus d'une année de rénovation, La Cité rouvre ses portes en 2020. Disponible à la location, elle pourra dorénavant servir à l'organisation d'événements culturels, de conférences, de réunions publics... Un retour, en somme, à ses usages d'origine : un lieu d'échanges, ouvert à tous.

*Recherches historiques menées par Violaine Poubanne et Danièle Guégan pour les Archives de Rennes.