Trente après sa 1ère édition, le soleil de Quartiers d’été brille toujours sur le parc des Gayeulles et la jeunesse rennaise. Un festival riche de sa gratuité et de son public de tous âges, de ses 200 bénévoles issus des quartiers et de ses artistes souvent engagés. Retour sur 30 ans de rap et de belles histoires en compagnie de Gwen Hamdi, le directeur du 4Bis.
Sniper s’adonnant aux plaisirs du graff, en compagnie de bénévoles ; Kool Shen, le chanteur de NTM, tapant la balle avec des minots ; des chameaux roulant leur bosse à l’occasion d’une course folle ; NTM, Rachid Taha, Zebda et tant d’autres soufflant le show sur le parc des Gayeulles…
Le festival Quartiers d’été, c’est ça : un oasis de souvenirs intarissables, et surtout un champ des possibles, pourvu qu’on clashe les clichés.
À base d'éduc' pop pop pop pop !
Avant l’oasis socio-culturel de Quartiers d’été, Rennes fut d’abord un désert culturel. « Le festival est né en juillet 1994 du constat qu’il ne se passait rien après les Tombées de la nuit programmées en juin ».
Les animateurs de plusieurs maisons de quartier se regroupent alors pour imaginer une proposition permettant aux jeunes des différents quartiers de se réunir sur un même projet. En toile de fond : les frictions entre bandes rivales, et tous ces jeunes ne partant pas en vacances, assignés à résidence, faute de moyens.
Le festival sera gratuit, un principe inscrit encore aujourd’hui dans l’ADN du festival.
« Nous recherchions un endroit assez neutre pour faire une belle kermesse, avec au programme des animations, du sport et de la musique. » Ce sera les Gayeulles, vaste parc tellement méconnu des Rennais, que des journalistes locaux réussiront à s’y perdre.
Le festival se déroule sur une journée, de 14h à 19h. Cinq cent personnes assistent notamment à un concert de rock, mais aussi à un gala de boxe, et aux premiers graffs d’un street artist rennais nommé Mathias Brez.
Quarante jeunes bénévoles issus des quartiers et plus tard des communes de la métropole, sont déjà sur le pont.
La machine est lancée, la 2e édition rassemble 1000 personnes, alors que le rap et la danse hip-hop sont désormais de la partie.
NTM en suprême tête d'affiche
Sous la houlette de Philippe Routeau, alors responsable Bretagne des Découvertes du Printemps de Bourges, Quartiers d’été ajoute une nouvelle corde à son arc dès la 3e édition avec l’arrivée d’une tête d’affiche dans la programmation. Ce sera NTM, repéré en 1991 par Philippe Tournedouet, le patron du bistrot de la Cité qui les programme dans son festival Bleu, Blanc, Red.
« NTM venait d’être interdit de concert à Toulon. Leur prestation à Quartiers d’été devait avoir lieu dès le lendemain. Autant dire que leur venue a créé des remous, avec une manifestation du Front National et un débat dans la presse : ‘Faut-il programmer Nique Ta Mère ?’ »
Bilan des courses ? Trois mille festivaliers assistent au concert en nocturne, sans qu’aucune paire de baffes ne soit donnée. Une grosse claque pour les détracteurs de NTM, et ce d’autant plus que « la sécurité est assurée par des bénévoles… » (Voir « De jolis contes de fête »)
Pigalle se produit sur scène la même année. D’autres noms prestigieux suivront (Assassins, 113, Youssoufa...), et certains, tels Zebda et Rachid Taha, deviendront littéralement des amis.
« Quartiers d’été devient alors un rendez-vous attendu, avec une identité artistique. »
Et 1, et 2, et 3 journées !
En 1997, un an avant le triomphe « black, blanc, beur » de la coupe du monde, Quartiers d’été commence à tirer sur le fil des musiques du monde, à la demande générale des animateurs et des jeunes bénévoles. Rachid Taha viendra deux fois, ainsi que le prince du raï Cheb Mami. Enfin, ce n’est pas tout à fait exact : « Nous avons appris 4 heures avant le début du concert qu’il était toujours à Alger ! Le groupe s’est malgré tout produit avec le chanteur d’un petit groupe de raï. Les 7 000 spectateurs sont quant à eux restés pour assister et savourer le concert. »
Musiques du monde, hip-hop, rap… Quartiers d’été ouvre également en grand ses portes aux chanteurs engagés, à l’image du collectif 13 (La rue Ketanou, Zeba, Alee…).
Et n’hésite pas à mettre les questions de société sur la table. « Je pense par exemple à nos campagnes de prévention contre le SIDA, très fortes dès le début. La vocation du festival est également de sensibiliser les jeunes aux réalités vécues au-delà de nos frontières, pour leur faire prendre conscience que c’est parfois pire ailleurs. »
Quartiers d’été n’hésite pas en retour à inviter des jeunes d’Algérie ou du Maroc. En 2004, pour les 20 ans du festival, c’est une troupe de théâtre palestinienne qui se produit sur scène.
L’union fait la force ? Quartiers d’été, ce sont désormais 25 000 spectateurs sur 3 jours.
Quand rap rime avec durable
Qui a dit que le rap était synonyme d’irrespect et d’incivilité ?
« Nous avons travaillé très tôt sur les questions de développement durable et solidaire, avec notamment l’idée qu’il était très important de laisser le parc des Gayeulles dans le même état. »
Quartiers d’été intègre dès 2004 un collectif de festivals comptant dans ses rangs six manifestations, dont les TransMusicales.
« Nous sommes notamment le 1er festival à avoir adopté les toilettes sèches, nous nettoyons les pelouses après chaque édition, et les artistes invités ne prennent pas l’avion pour venir à Rennes… »
De jolis contes de fête
« Permettre à des jeunes de s’impliquer dans l’organisation du festival a permis d’écrire de belles histoires. »
Certains bénévoles sont par la suite devenus animateurs socio-culturel.
Un autre a commencé comme roady, en poussant des caisses pour Quartiers d’été, avant de devenir ingénieur du son de Yann Tiersen.
Il y a enfin cette histoire de gros bras au grand cœur : « Nous avions besoin d’un encadrement pour assurer le service d’ordre du concert d’NTM. Nous avons contacté un gars proche des jeunes, du côté de la maison de Suède. Celui-ci a monté sa boîte pour l’occasion. » Pour la petite histoire, ARKA (Association Rennaise des Képis Arabes) deviendra la plus grosse entreprise de sécurité rennaise.
30 ans, et après ?
Quartiers d’été a 30 ans, et toutes ses dents. Une manière de se rappeler que le festival ne s’est jamais départi de sa bonne humeur.
Et après ? « Plutôt que de regarder dans le rétro, nous préférons envisager les 30 prochaines éditions. »
Et continuer de multiplier les partenariats avec les associations, pour organiser par exemple des débats sur le port du foulard, la violence dans le sport, ou encore les questions de genre.
Un temps ouverte aux têtes d’affiche, la programmation du festival s’est recentrée depuis plusieurs éditions sur les artistes en développement, sous la houlette de Lucien Vergès. Citons un B.B Jacques devenu grand depuis.
« Les jeunes tiennent à cet événement. C’est le festival de leurs grands frères et grandes sœurs, ils sont venus avec eux tout petit, c’est dans leur ADN. »
Et Gwen Hamdi de refermer le livre de Quartiers d’été en rappelant la singularité de cette manifestation capable de faire travailler collectivement des jeunes. Aujourd’hui, 200 bénévoles issus des quartiers de Rennes ou de la Métropole, âgés parfois de 15 ans, enfilent le bleu de chauffe pour participer à l’organisation. Big up !
Quand Quartiers d'été s'affiche
Quartiers d’été, les 19 et 20 juillet, au Parc des Gayeulles. www.le4bis-ij.com/quartiersdete/
Quand les rappeurs rennais battent le rappel... de l'histoire
Vous n’habitiez pas à Rennes ? Ou bien vous étiez trop jeunes ? Peu importe, Quartiers d’été vous propose une séance de rattrapage avec le rétro show « 30 ans de rap à Rennes ».
Sur scène, donc, la fine fleur du hip-hop rennais, des groupes pour la plupart pionniers, dans tous les cas restés dans les annales : T5A et son membre historique Alee, Rezo (animateur d’une émission de radio sur Canal B), Simba, Micronologie (passé par les Vieilles Charrues), Kenyon, ABD (vu aux TransMusicales), Doc Brrown, Randy… Des artistes passés par Quartiers d’été et de retour sur la scène du festival à l’occasion de cette édition anniversaire. Alors, prêts à souffler… le show ?