Les visiteurs ont longtemps emprunté les portes Mordelaises pour pénétrer dans la ville, avant que ces dernières ne retombent dans les oubliettes de l'histoire. Pendant de longs mois, tout le monde a été sur le pont pour redonner une seconde jeunesse au monument rennais. L'ambitieux chantier est enfin achevé, le pont-levis est posé, tandis que l'aménagement des remparts longeant la rue Nantaise en mode promenade et jardin, se poursuivra jusqu'en 2024. Petite visite guidée, pour partir à la redécouverte de ce fleuron de l'architecture médiévale, installé sur des bases antiques, ainsi que ses remparts.
Ça y est, c'est fait ! Les Portes Mordelaises ont enfin retrouvé leurs clés et un pont-levis flambant neuf. Un ouvrage essentiel qui permettra de redonner vie à la rue des Portes Mordelaises débouchant sur le parvis de la cathédrale.
Mais le réaménagement des lieux concerne une zone beaucoup plus vaste, partant du bas de la place des Lices, pour longer les remparts de la rue Nantaise jusqu'à la place de Bretagne .
Un nouveau lieu de vie et de détente au pied des remparts
Derrière les façades de la rue Nantaise seront, en effet, aménagés une promenade et un jardin public sur lesquels auront vue les Rennais, installés en terrasse des restaurants. Hier cachée, cette partie de la ville va donc devenir un lieu de vie et de détente pour les habitants.
Si Rome ne s'est pas construite en un jour, la redécouverte de la Rennes antique a également pris du temps : jusqu'ici composée d'emprises et de bâtis privés, l'arrière de la rue Nantaise a progressivement été acquis par la Ville de Rennes pour réaliser cet aménagement d'ampleur. La déconstruction de deux bâtiments conséquents aux n° 10 et 18 de cette même rue, a permis de libérer la perspective depuis le pont-levis de la Porte Mordelaise jusqu'à la tour Duchesne.
L'aménagement progressif de la promenade révélera la muraille sur 170 mètres, depuis la rue de Juillet jusqu'à la place Foch et la Croix de la Mission. Le fossé sera recreusé au pied de la muraille et aménagé en jardin de rocaille. La promenade, réalisée dans un béton clouté s'inspirant du cailloutis médiéval, circulera en surplomb, tandis que le long des immeubles, les terrasses des restaurants de la rue Nantaise pourront se "retourner" face à l'édifice. Des espaces d'assises publiques, tables et bancs, agrémenteront enfin le parcours, notamment sur l'ancien square Hyacinthe-Lorette.
Vous êtes riverain et vous anticipez déjà les ambiances nocturnes tapageuses ? Rassurez-vous, les trois accès au jardin des Remparts seront fermés la nuit. En attendant l'achèvement des travaux, en 2024, profitons-en pour plonger dans la Rennes médiévale, à l'époque où les ducs y faisaient leur tournée...
Derrière les Portes, une riche histoire
La Porte ou les Portes Mordelaises ? Les deux s'emploient à travers les usages et les livres savants. Tantôt la, tantôt les. Il est vrai que la "rue des Portes-Mordelaises", côté cathédrale, débouche sur deux portes, l'une piétonne, l'autre charretière, chacune avec son pont-levis.
Les portes, les deux tours du châtelet, les mâchicoulis... forment un ensemble remarquable d'architecture militaire médiévale. Mais les fouilles ont révélé que cette entrée de ville est bien plus ancienne : là se trouvait l'une des portes de la première enceinte autour de la ville antique, dès le IIIe siècle. Nous nous trouvons donc ici dans un des hauts lieux de la Rennes antique.
La porte des ducs de Bretagne
Vous ne connaissez pas bien l'histoire des Portes Mordelaises ? On vous raconte leur histoire en podcast... ou en vidéo avec Gilles Brohan, animateur du patrimoine. Passionnant !
INCESSANT RENOUVELLEMENT DE LA VILLE
Cette porte, "on en est sûr à 90 %" depuis les fouilles conduites par Elen Esnault, de l'Inrap, "est construite sur une base datant du Bas-Empire (romain)". Ce qui signifie que, depuis le IIIe siècle de notre ère, ici en particulier, la ville s'est reconstruite sur elle-même. La preuve se trouve dans les différents agencements
de pierres, qu'il faut savoir décrypter.
Matthieu Le Boulch, doctorant en histoire et en archéologie au Musée de Bretagne, est passé expert dans la lecture "des pièces du puzzle". Et, justement, entre la Porte Mordelaise et la tour Duchêne, il y a fort à voir. Cette portion de mur d'enceinte remonte à l'époque antique. Vers le IIIe siècle, l'enceinte est élaborée sans fossé. Celui-ci ne sera creusé qu'à l'époque médiévale. Cette excavation a nécessité de renforcer le mur antique. On trouve donc des techniques de construction du Moyen Âge, sous une partie datée du IIIe siècle.
Déjà à l'époque antique, les bâtisseurs sont adeptes du réemploi. Dans les murs du IIIe siècle, on retrouve ainsi des blocs avec des inscriptions, qui permettent de les dater entre 198 et 273. Dans leur premier usage, c'étaient des bases de statue, de colonne… Plusieurs beaux spécimens sont à voir dans l'exposition permanente du Musée de Bretagne, récupérés lors des chantiers de construction sur les quais de la Vilaine (quai Duguay-Trouin) en 1968.
Pourquoi ces réutilisations ? "Le sous-sol rennais est principalement composé de schiste bleu, assez friable et difficile à tailler, qui ne se prête pas bien aux constructions, en particulier de soubassement". Les constructeurs doivent donc aller chercher de la pierre granitique dans les environs de Combourg ou de Dingé ou des plaques de schiste rouge à Pont-Réan. Si le matériau se trouve sur place, on évite les frais et le temps de transport. Matthieu Le Boulch précise encore : "Au IIIe siècle, le cœur de la ville se déplace vers l'actuelle cathédrale. L'édification des 1 200 mètres d'enceinte s'est faite en réutilisant des pierres de bâtiments délaissés ou détruits pour faire de l'espace autour de la nouvelle ceinture."
"L'intérêt est presque toujours de réemployer les matériaux et les plans existants", raconte Matthieu Le Boulch, sauf quand on veut dessiner un schéma de ville différent." Exemple avec la reconstruction de Rennes, après l'incendie de 1720 : la portion de l'enceinte qui débouchait juste derrière la place de la Mairie a été détruite car la ville a adopté un plan en damier, classique, avec de larges rues et de grandes places royales.
LES JARDINS DES REMPARTS
Depuis septembre 2018 et jusqu'en 2024, le réaménagement des Portes Mordelaises et la création des jardins des remparts vont permettre une relecture de l'histoire au cœur de la ville .
Avant les travaux, visualisez les aménagements comme si vous y étiez :
Les travaux ont commencé à l'hiver 2018. Vous pouvez revivre l'avancement du chantier grâce à une caméra surplombant le site des portes. Découvrez les travaux en timelaps !