La boum des générations à l'école Oscar Leroux
Quand l’artiste plasticienne Camille Bondon réunit les élèves de l’école Oscar Leroux et les résidents de l’Ehpad Gaëtan Hervé autour d’un projet de fabrique de costumes, dans le cadre du parcours d’Éducation artistique et culturel, les liens se resserrent forcément, et une grande boum est au rendez-vous. Alors, on danse ?
Elles s’appellent Gabrielle, Marie-Annick, Solange, Jeanne… Résidentes de l’Ehpad Gaëtan Hervé, ces souriantes mamies s’affairent à nouer des rubans quand elles ne fabriquent pas des pompons roses.
Elles sont les petites mains d’un atelier de couture imaginé par l’artiste Camille Bondon, auquel participent également Bassit, Mohamed, Mudaseer et Darina…
Une douzaine d’enfants allophones récemment arrivés en France, et scolarisés à l’école Oscar Leroux.
Les mains ont la parole
Quand la langue se dresse comme une barrière, les mains se révèlent être un moyen de communication idéal, nous confirme cette joyeuse fabrique de costumes.
Il est vrai que ce projet baptisé « La Grande danse » et mené par Camille Bondon n’a pas son pareil pour abolir les frontières. Celui-ci est par ailleurs un temps fort dans le parcours d’Éducation Artistique et Culturelle (voir par ailleurs) des élèves de l’école.
« Je développe depuis une dizaine d’années des dispositifs de création collective, nous éclaire la plasticienne. Mon fil conducteur est toujours de me demander comment mes projets peuvent servir à améliorer les relations humaines. Dans le cas présent, l’idée est de travailler autour de l’expression du corps et de créer une langue commune.»
À l’image des ces bracelets en pétard, de ces couronnes montagnes ou de ces sacs nageoires, son vocabulaire est particulièrement haut en couleurs !
« Mon idée est que les accessoires sont un prétexte à bouger. Quand tu es déguisé, tu n’es plus vraiment toi-même, tu peux te libérer. » Pendant plusieurs semaines (80 heures de résidence), les 240 élèves d’Oscar Leroux et les 70 pensionnaires de Gaëtan Hervé ont donc formé une « communauté du dressing » particulièrement bien assortie.
« Les enfants ont par exemple dessiné des silhouettes de corps en mouvement, tandis que d’autres ont imaginé et posé dessus des accessoires. Puis les premières tenues sont sorties », sourit Camille Bondon.
Le but de tout ça ? « Faire une grande fête, une boum costumée à laquelle tout le monde est bien sûr invité ! Mais avant, il y a quand même quelques centaines de costumes à fabriquer. »
Je danse donc je suis
Originaire de Djibouti, Mohamed vient d’enfiler des gants couleur or. On pense forcément à Mickael Jackson et à son célèbre pas de danse lunaire. Son aînée Françoise avoue quant à elle avoir été impressionnée en découvrant les origines afghanes d’un autre enfant. « Je me suis demandé quelles épreuves il a du traverser, et j’ai pensé aux Lettres persanes, de Montesquieu… »
Dans les coulisses de la fabrique de costumes
Né non loin de Kaboul, Bassit a 10 ans. Le jeune garçon manipule, pensif, un pompon rose. « C’est doux ! En Afghanistan, on danse à l’occasion des mariages, ou des naissances. Il y a des pompons aussi. »
Nini, 8 ans, ressemble à une princesse dans sa jupe dorée. Âgé de 9 ans, Mudaseer descend quant à lui des montagnes afghanes. Ses mains dansent sur un métier à tisser improvisé avec une chaise. « C’est Camille qui m’a appris », sourit-il. L’émotion est enfin palpable quand Darina entonne une chanson ukrainienne dans sa langue natale…
Rendu possible par l’équipe éducative de l’établissement scolaire et le centre d’art contemporain 40 mcube*, cet atelier de couture a brassé les cultures et raccourci les distances.
Le public a pu le vérifier sur pièces, le jeudi 13 avril, à l’occasion d’une grande boum organisée à l’école Oscar Leroux. L’occasion de constater aussi que les liens tissés par Camille Bondon sont aussi solides que les coutures d’un pantalon. Et que l’expression « je danse, donc je suis », n’a jamais été aussi vraie.
« La grande danse », jeudi 13 avril, de 18h à 21h, à l’école Oscar Leroux. C’est gratuit et c’est ouvert à tous !
* Ce projet est le fuit d’un partenariat entre la Drac Bretagne, l’ARS Bretagne, la Ville de Rennes, le Rectorat de l’académie de Rennes, l’école Oscar Leroux et l’association des parents d’élèves, l’Ehpad Gaëtan Hervé et 40mcube
Jean-Baptiste Gandon
Vous avez dit E.A.C ?
Les trois lettres de cet acronyme renvoient à l’éducation artistique et culturelle. L’idée est d’accompagner l’enfant dans le champ culturel tout au long de son parcours scolaire et périscolaire, de la maternelle au lycée.
Les traductions de ce dispositif sont plurielles : découverte d’une œuvre, rencontre avec un artiste, visite d’un équipement culturel, participation à un projet artistique… Forme la plus ambitieuse des projets d’Éducation Artistique et Culturelle, la résidence s’inscrit enfin dans la durée et modifie forcément la vie de l’établissement scolaire.
L’enjeu est bien sûr la démocratisation culturelle, et la jeunesse constitue de toute évidence un levier essentiel.
La notion de co-construction est par ailleurs essentielle, comme dans le cas présent, avec l’équipe éducative de l’école Oscar Leroux et le centre d’art contemporain 40mcube.
Pour récompenser son engagement dans ce domaine, la Ville de Rennes a obtenu pour 5 ans (2022-2027) le Label 100% EAC de la part du Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle. Par le biais de sa direction de la culture, la collectivité consacre un budget de 67 000 € par an, pour une vingtaine de projets.