Incinérateur de Villejean : et maintenant ?

Déchets et propreté
des personnes devant un conteur électrique
(Rennes Ville et Métropole)

Les nouvelles chaudières de l'usine d'incinération de Villejean à Rennes ne sont pas conformes au cahier des charges de la Métropole, selon quatre rapports d'expertise sur six. Comment faire redémarrer cet important chantier, à l'arrêt depuis quatorze mois, en respectant la réglementation en vigueur ? Éléments de réponse.

Jeudi 6 juin 2024, les maires des 43 communes de la Métropole de Rennes, réunis en conférence des maires, se sont vu présenter un point d'étape complet sur le chantier de l'Unité de valorisation énergétique (UVE) de Villejean, à l'arrêt depuis le mois de mars 2023. Cette présentation, qui faisait écho aux points d'information réguliers faits par Laurent Hamon, vice-président en charge des déchets et de l'économie circulaire, lors des précédents conseils métropolitains, s'est appuyée sur l'ensemble des expertises à la disposition de Rennes Métropole à cette date.  

Chacun a pu avoir accès à l'ensemble des pièces qui ont conduit la Métropole à prendre la décision, rare pour un maître d'ouvrage, d'arrêter un chantier, au vu des doutes qui ont émergé, à mesure de la construction, sur la conformité de l'usine aux normes en vigueur. 

Un principe de précaution

Pour résumer les épisodes précédents, un certain nombre d'interrogations sont apparues dès la phase de pré-montage des chaudières, réalisée sous la responsabilité de l'entreprise italienne Ruths, mandataire du marché de conception-réalisation de l'incinérateur de Villejean. Or, les chaudières d'une telle usine sont des équipements sous pression qui, en cas de non-conformité, peuvent présenter un risque grave, notamment de brûlure et d'asphyxie, pour les ouvriers travaillant à proximité.  

Ces inquiétudes concernant des malfaçons dûment constatées par des bureaux d'étude – fissures, problèmes d'alignement des tuyaux, parois déformées, etc. – ont donné lieu à de multiples demandes auprès de la société Ruths, qui sont restées pour la plupart lettre morte. Ce qui a conduit la Métropole, en application du principe de précaution, à activer une clause prévue au contrat pour stopper le chantier, dans l'attente de garanties concernant la sécurité des personnels et la solidité de l'équipement sur plusieurs décennies.

Des expertises non convergentes

L'entreprise Ruths, de son côté, a bénéficié fin août 2023 de la validation par l'organisme notifié INAIL, de la conception des chaudières. Les conclusions d'un expert judiciaire, mandaté par le Tribunal administratif de Rennes, lui-même saisi à l'été 2023 par la Métropole, vont dans le même sens, celui d'une conformité de l'équipement à la directive européenne.  

Nous sommes là au cœur de ce dossier complexe, avec plusieurs expertises qui se contredisent sur la conformité de la chaudière aux normes encadrant les soudures des équipements sous pression : la norme EN 12 952, demandée dans le cahier des charges du marché de rénovation de l'UVE, et la directive européenne 2014/68/UE, qui est le seul texte réglementaire obligatoire. En clair, si la conformité à la directive européenne est démontrée, alors même que la norme n'est pas respectée, l'équipement est conforme à la réglementation.

Des chaudières non conformes au cahier des charges

Devant cette situation, l'État a mis en demeure la Métropole, par un arrêté préfectoral de décembre 2023, de faire réaliser une tierce expertise, confiée à Bureau Veritas, et dont les conclusions ont été rendues au début du mois de juin 2024. Verdict : pas de conformité des chaudières à la norme EN 12 952, donc pas de conformité au cahier des charges de l'incinérateur, et conformité non démontrée à la directive européenne.  

L'entreprise Ruths a été destinataire de l’avis et des questions posées par Bureau Veritas. En l’état des documents produits, la tenue mécanique de l'équipement n'est pas jugée conforme aux règles et aux critères de résistance prévus dans les exigences essentielles de sécurité applicables de la directive. L'entreprise italienne est en cours d’analyse de ces demandes afin de voir si les réserves peuvent être levées.

Pour rappel, dans l’attente du résultat des expertises et afin de ne pas perdre de temps, le Conseil Métropolitain a validé, en décembre 2023, le lancement d’un marché de substitution permettant de réaliser, en lieu et place de l'entreprise Ruths, des travaux levant les non conformités mises en évidence jusqu’ici. Des offres ont été reçues, le marché n'est pas encore attribué.

En attente de garanties

Rennes Métropole s'appuie sur l'ensemble des avis d'expert pour s'assurer que l’installation respecte toutes les conditions de sécurité et puisse redémarrer rapidement. D'un côté, la Préfecture pourrait délivrer l'autorisation de mise en service de l'UVE si l’INAIL atteste de la conformité de l'installation après des tests complémentaires. Mais l'État, qui exerce aussi une fonction de contrôle de l'exploitation de l'UVE, demandera forcément la garantie que les points soulevés par Bureau Veritas ont bien été traités par l'entreprise Ruths, sous peine de contraindre Rennes Métropole à réaliser de nouveaux travaux dès la remise en service.

À ce jour, Rennes Métropole est en attente de garanties supplémentaires demandées par Bureau Veritas au constructeur Ruths. Et se laisse la possibilité de faire réaliser des travaux d'adaptation en cas de réponses jugées insatisfaisantes par les experts. Le temps presse, car les déchets ménagers produits à Rennes Métropole et normalement incinérés dans l'UVE sont toujours envoyés dans des territoires voisins pour y être traités. Avec un coût important, estimé à 2,4 millions d'euros par mois, ce qui a entraîné une revalorisation temporaire du taux d'imposition de la taxe de ramassage des ordures ménagères, votée en mars 2024. 

Laurent Riéra