Cette bonne vieille ville de Rennes sera en quelque sorte l’invitée d’honneur de la prochaine Foire Internationale du même nom, qui fêtera cette année son centenaire. De l'agriculture à l'happy culture, l’occasion était belle de revisiter l’histoire de l’événement à vocation commerciale le plus populaire de Rennes.

« Je vous remercie donc d’être présent à l’arrivée de l’express de Paris, à 14h, le 28 mai, pour les accueillir. » Mais qui donc sont ces mystérieuses hôtes justifiant l’organisation d’un comité d’accueil, et objets de cette missive adressée en 1922 au Maire de la ville Jean Janvier, par le président de la Chambre de commerce ?

Le Ministre du commerce, de l’industrie et des travaux publics, accompagné pour l’occasion par le sous-secrétaire d’état à la marine marchande, et venus inaugurer en grande pompe la 1ère édition de la Foire exposition de Rennes.

À l'image de ces tracteurs labourant le champ de mars, le terreau de la Foire Internationale de Rennes fut d'abord agricole
À l'image de ces tracteurs labourant le champ de mars, le terreau de la Foire Internationale de Rennes fut d'abord agricole (Charles Barmay / Musée de Bretagne)

Un peu comme les TransMusicales, la manifestation pensera donc d’abord local avant de devenir internationale. La Foire de Rennes deviendra en effet celle de la Bretagne et de l’Ouest, avant d’embrasser enfin l’artisanat du monde. 

La Foire expo sera en outre d’abord une vitrine de l’agriculture avant de devenir une destination touristique et de se transformer en temple de la consommation et d’une culture partagée en famille. 

Quoiqu’il en soit, la présence de représentants du gouvernement à l’inauguration, et la Une de Ouest-Éclair, en disent long sur l’importance de l’événement.

Du comice au commerce

Les Rennais ne s’y tromperont  pas, qui seront 72 145 à venir se perdre dans les 13 563 m2 de cette première édition organisée au Champ de mars. Une fréquentation doublée dès 1924 avec 151 121 visiteurs au compteur. Ce qui fait écrire au commissaire de la foire à l’adresse du maire Alfred Daniel : « C’est donc vous dire l’importance que cette manifestation a pris dans l’Ouest, faisant de Rennes le vrai centre de distribution du matériel agricole. »

Quelques clichés pris en amateur par un grand photographe nommé Charles Barmay. Dans l'œil de son Rolleiflex, au cœur des années 1960...

Directrice opérationnelle du parc des expositions, Nathalie Guérin confirme : « À l’origine, le terreau de la Foire de Rennes est agricole et rural. On y trouve de l’outillage, des tracteurs… Aujourd’hui, on parle de stands, mais à l’époque, on construisait des chalets. »

Après avoir loué « la grande qualité artistique des affiches de l’époque », et s’être étonné de la présence d’une croix gammée sur celle de 1937, la cheville ouvrière de cet événement aux multiples facettes peut dérouler le fil de l’histoire.

« Cent ans après, on n’a rien inventé »

« En 1924, la Foire se régionalise et son horizon s’élargit à au commerce de l’ouest. » Du gros outillage à la distillation, plus de 3000 modèles exposés transforment l’esplanade du champ de Mars en champ de labour.

« Les animations et les spectacles font leur apparition au cours des années 1930. Cent ans après, on n’a rien inventé », sourit Nathalie Guérin. Le concours de race bovine fait toujours un effet bœuf, sans oublier la compétition de beurre breton, qui réunit la crème du métier.

Supprimée de 1943 à 1946, l’événement fait son retour en 1947. « Cette édition est scindée en deux et se déroule à la fois sur les places du Champ de mars et des Lices. » L’année suivante voit l’immersion de l’artisanat sur les stands.

Quand la Foire exposition s'affiche... Des visuels racontant beaucoup de choses

La Foire exposition se rapproche petit à petit de sa configuration actuelle. « En 1963, le déménagement du côté de l’aéroport sur un site de 11 hectares marque le véritable essor de l’événement. »

De la Foire à la Fair... Une dimension internationale

En 1972, la Foire expo devient internationale, prélude à de nombreux « voyages sans bagages », et deux ans plus tard, 32 nations sont représentées dans les nouvelles halles fraichement construites. « C’est l’âge d’or des délégations diplomatiques », sourit Nathalie Guérin. Les visiteurs se promènent quant à eux désormais dans une foire cosmopolite aux parfums exotiques. Les agriculteurs ont lâché leur bleu pour enfiler une tenue de touriste ou d’acheteur. L’événement est devenu grand public.

« À la fin des années 1980, certains ont fait le constat que le printemps n’était pas une bonne période pour les agriculteurs, occupés à semer dans leurs champs. Cela a débouché sur la création du SPACE, en septembre 1987, tandis que la Foire avançait ses dates au mois de mars. Quelque part, ce dernier est donc l’héritier de la Foire de Rennes. » Actuel propriétaire des lieux, Jean-Pierre Pigeault achète le Parc exposition et ses 11 halls modulables sur 255 000 m2, en 1991.

À l'image du stand Graff, la bière rennaise aussi se fait mousser
À l'image du stand Graff, la bière rennaise aussi se fait mousser (Anonyme, vers 1924 / Musée de Bretagne - Collection arts graphiques)

La Foire Internationale de Rennes met désormais un pays à l’honneur, en parallèle au village des artisans du monde. Le Pérou, l’URSS, le Japon, le Brésil 3 fois… Les Rennais sont désormais invités à faire le tour du monde en restant à domicile.

« Aujourd’hui, avec Internet et les réseaux sociaux, il est plus difficile de faire rêver les gens, la destination exotique ne suffit plus. Nous essayons désormais de développer la dimension familiale de la manifestation. », continue Nathalie Guérin. Avec plus de 100 000 visiteurs chaque année, la Foire Internationale de Rennes a toujours la flamme, et c’est le principal. Come on baby, light my F.I.R !

 

Rien de tel qu'un peu de hauteur de vue...

L'Histoire, invitée d'honneur de la 100ème édition

À quoi ressemblera cette édition anniversaire ? « Il faut imaginer un labyrinthe, ou une machine à remonter le temps. » Avec l’exposition « Cent ans d’objets de consommation » comme point de départ, les visiteurs vont pouvoir se téléporter à travers l’histoire, au gré d’une déco aux accents tantôt art déco, tantôt disco.

Avec en arrière-plan, de nombreux échos et clins d’œil au passé de la capitale de Bretagne : le Minitel, cette grande invention rennaise qui nous invita jadis à voire la vie en rose ; Citroën, la marque au double chevron, présente sur le site avec une poignée de véhicules iconiques ; sans oublier Ouest-France, qui ressortira notamment pour l’occasion une vieille presse d’imprimerie…

Un petit tour en avion, ça décoiffe, n'est-ce-pas madame la Bigoudène ?
Un petit tour en avion, ça décoiffe, n'est-ce-pas madame la Bigoudène ? (DR)

À savourer également, pêle-mêle : 100 ans de cabaret avec le Cabaret moustache, le manège de l’enchanteur Régis Masclet, deux thés dansants pour les seniors, le concert de clôture du Bagad de Cesson-Sévigné…

Vous vous grattez la tête ? L’aéroclub de Rennes et ce « pou du ciel », du nom de ces avions à monter en kit et responsables de tant de catastrophes, y sont forcément pour quelque chose ! 

Mais la Foire Internationale de Rennes, c’est aussi un salon de 350 exposants, sans oublier le concours d’élevage, « un des derniers toujours en activité ! » et plein d’autres choses encore. 

« Cette édition est une invitation à rentrer dans propre histoire », conclut Nathalie Guérin. Il était une foire, une bien belle histoire.

Du 25 mars au 2 avril, au parc exposition de Rennes. www.rennesparcexpo.fr

Un dossier réalisé par Jean-Baptiste Gandon

visuel affiche 2023
visuel affiche 2023 (DR)