Des skateurs, des riverains et des médiatrices

Institutions et citoyenneté
Figures de skateurs place Hoche
(A. Loubry )

Place Hoche. D'un côté des riverains fatigués du bruit. De l'autre, des jeunes skateurs. Entre les deux, la ville, face à un conflit d'usage à résoudre avec l'aide des médiatrices de Cité et médiation. Après plusieurs mois de dialogue, les premières décisions se mettent en place en avril, sous l'œil vigilant de toutes les parties prenantes. 

  • Place Hoche, une médiation a été menée entre skateurs et les riverains.
  • Horaires revus, aménagements et nouveaux spots de skate : les premières décisions se mettent en place.

Avec des articles dans la presse, une pétition et des plaintes auprès des élus, les riverains de la place Hoche ont sonné l'alerte, été 2019 : ils subissaient trop de nuisances. Trop de skateurs. Trop de bruit, jusque tard le soir. "C'est indéniable,  assure Gilles Subrechicot, directeur du quartier centre, depuis quelques années, la pratique du skate board s'est développée en ville, et place Hoche en particulier". En toile de fond de cet engouement,  la consécration de cette discipline par sa présence aux JO de Paris, en 2024. 

La ville a procédé à des comptages. Par beau temps, voir une moyenne de 50 skateurs en même temps sur la place n'est pas une exception. Et une dizaine est encore là le soir, sous les lampadaires. Après la pause du confinement de mars à mai 2020,  les fans de "ride" reviennent sur la place, d'autant que les lieux d'activités sportives et culturelles sont restés portes closes. 

L'effet confinement a été très marqué, c'est un phénomène mondial. Le skate s'est révélé un sport de proximité attirant. Et, au passage, beaucoup de filles s'y sont mises.

Bertrand Petit, l'un des plus anciens de la communauté des skateurs de Rennes et membre de l'association 9dot8

Les skateurs eux même le reconnaissent : "le roulement des roues et les chocs de la planche sur le sol ou les aménagements publics font du bruit". "Je peux comprendre le point de vue des riverains, assure Quentin Lombard, skateur de 26 ans. J'habite en ville et, moi non plus, je n'aime pas trop qu'il y ait du bruit longtemps en bas de chez moi. Mais on habite en centre-ville, il y a un juste milieu à trouver"

Mais que font ces skateurs sur cette place ? "La place Hoche est comme un vieil arbre, elle est remarquable" explique Bertrand Petit. "Elle est centrale, près des bus et du métro, c'est un point de rendez-vous. Elle roule bien, elle sèche vite et elle a du public. Tout pour plaire à des skateurs !" 

Et voilà la ville face à deux demandes diamétralement opposées, un conflit d'usage dans toute sa complexité. "Les riverains demandaient l'interdiction complète des skates sous leurs fenêtres. Pour la ville il était impensable de prendre un arrêté municipal aussi radicalement anti-jeunes", soutient le directeur du quartier Centre. Seule voie possible : le dialogue entre les parties.

Anne-Robin-et-Hélène-Amourioux
Anne-Robin-et-Hélène-Amourioux : "La médiation est un lieu où chacun entend ce qui pose problème à l'autre" (F. Hamon )

La démarche

Dans un premier temps, des patrouilles de la police municipale passent pour sensibiliser les skateurs aux nuisances, particulièrement le soir. Mais pour une solution durable, la ville fait entrer les médiatrices de Cité et médiation dans la place. En mai et juin 2020, Hélène Amouriaux et Anne Robin réalisent 25 entretiens individuels ou semi-collectifs pour une quarantaine de personnes rencontrées. Parmi elles, les médiatrices recueillent le consentement de 6 riverains et 6 skateurs volontaires pour des séances de travail de trois heures, qui démarrent en juillet.

"La médiation est un lieu où chacun entend ce qui pose problème à l'autre". Les médiatrices prennent soin de constituer un groupe le plus représentatif possible de la diversité des points de vue et des usages du lieu: des hommes et des femmes, de tous âges, toutes conditions sociales, des habitants de longue date ou des nouveaux venus. 

Dès cette première réunion, des propositions émergent. La seconde séance, avec les techniciens de la Ville (service des sports, de l'aménagement, direction de quartier, police municipale), permet d'identifier  les pistes réalisables. Chacun a eu un renoncement à faire. Puis, les représentants sont retournés dans leurs communautés respectives. Puis, nouveau tour de table pour une troisième négociation.  " La médiation est un processus. Si ça va trop vite, ça ne tient pas", commente Anne Robin. En janvier, une délégation de deux riverains et deux skateurs présente la liste des propositions à Didier Le Bougeant, élu du quartier Centre, qu'il valide. 

La phase d'expérimentation commence en avril, après quelques semaines d'études techniques supplémentaires côté services de la Ville. 
Restera à voir comment cela fonctionne ! Les usages des aménagements seront suivis de près par un comité, composé des participants à la médiation. Une chose est sûre, riverains autant que skateurs attendent avec vigilance la suite des événements. 

Des aménagements revus

Place Hoche, l'éclairage sera remplacé par des LED,  à la lumière plus douce. 
Le banc en bois est équipé de petites équerres métalliques pour empêcher les skates de monter dessus. L'installation peu dissuasive a été renforcée, mais l'autodiscipline des skateurs devra faire le reste, on compte sur eux ! Une étude sera conduite pour des revêtements roulants et absorbeurs de bruit.

Des sites de glisse urbaine à travers la ville 

La "décongestion" de la place Hoche ne peut fonctionner qu'avec l'identification d’autres sites de "street" dans le centre et les quartiers. 

  • Esplanade Charles de Gaulle, entre le Liberté et le gymnase Jean Prouf (Cité internationale) : certaines tables de pique-nique et les supports vélos sont déplacés et des bancs équipés pour être skatables. L'espace n'est pas grand mais il a déjà ses adeptes.
  • Parc Saint-Cyr : le skate pourra être pratiqué, à côté du palet et du basket.
  • Esplanade sud de la gare : elle attire aussi ses riders ; Des aménagements seront à adapter.
  • Rambla à Baud-Chardonnet : pratique de glisse favorable, près du street work out.
  • Adaptation de la rampe des Gayeulles, devant la patinoire, pour permettre la pratique tous âges. 
  • Jules Ferry : aménagement d'une zone skatable provisoire (en attendant la fin du chantier)
  • Est du Mail F. Mitterrand : installation à l'Est (côté centre-ville) de mobiliers spécifiques et de saison, retrait des "cavaliers" sur quelques bancs pour les rendre skatables. 
     

Du street et des parks