Avec 1 300 000 spécimens inventoriés, les collections universitaires de Rennes 1 enrichissent les connaissances dans les domaines de la zoologie, de la géologie et de la botanique, sans oublier les œuvres d’art du peintre Mathurin Méheut. Habituellement réservées à l’enseignement et à la recherche, ce fond hérité du XIXe siècle fait également briller les yeux des visiteurs à l’occasion de journées portes ouvertes. Au fait, savez-vous d'où vient la légende de la licorne ?
Un jour de juin, dans le bâtiment A de l’Université Rennes 1, quelque part sur le campus infini de Beaulieu. Qui a dit que les sciences et la poésie ne faisaient pas bon ménage ? Cette dent de narval datée de 1750, et provenant du cabinet de curiosité du marquis Paul-Céleste de Robien, ne manque pas, dans tous les cas, de titiller notre imagination. On dit d’ailleurs que cette dernière aurait donné naissance à la légende de la licorne. Si, si !
Mais nous ne sommes pas là pour rêver d’arc-en-ciel, comme nous le rappelle avec le sourire Marion Lemaire, responsable des collections et directrice adjointe du service culturel.
Un objet de recherche et d'enseignement
« Nous ne sommes pas dans un musée, mais devant des collections principalement destinées à l’enseignement et à la recherche. Cette étroite connexion est une spécificité rennaise. »
Que le grand public se rassure, il n’est pas obligé de retourner à la « fac » pour découvrir les lieux. « Des visites sont organisées le midi, une fois par mois. Les collections ouvrent également leurs portes à l’occasion d’événements comme les Journées européennes du patrimoine, le Festival des sciences, les Journées européennes des collections universitaires ou encore la Nuit des musées ».
Une nocturne au cours de laquelle vous risquez fort de croiser le loup, ou de voir briller une de ces pierres si précieuses pour la connaissance…
« L’histoire des collections est étroitement liée à celle de la faculté des sciences. » Créée en 1840, cette dernière a d’abord pris ses quartiers à l’Hôtel de ville, avant de déménager au Musée des beaux-arts, sur le site Pasteur, puis à Beaulieu.
« Beaucoup d’acquisitions ont été faites à la fin du XIXe et au début du XXe siècle », poursuit Marion Lemaire.
Dent de mammouth et rhinocéros à poil laineux
Grand pourvoyeur de spécimens remarquables, le fonds de Robien a été cédé à la faculté en 1840. « À la veille de la Révolution française, on recense des milliers de cabinets de curiosité en France. Ces derniers vont être confisqués et venir nourrir les collections universitaires. »
Et cette dent de mammouth, provient-elle des steppes de Sibérie ? Comme ce squelette de rhinocéros à poil laineux, elle a dormi longtemps dans le sol du Mont Dol, non loin du Mont Saint-Michel. « C’est le doyen de la faculté Simon Sirodot qui a mené les fouilles sur ce site, au milieu du XIXe siècle. »
Un ours brun dresse devant nous son imposante silhouette. « Il provient d’une ménagerie de passage à Rennes, à la fin du XIXe siècle. Cette dernière a déploré le même jour le décès d’un ours et d’un lion, tous deux cédés à la faculté des sciences. »
Et Marion Lemaire d’ajouter : « Nous nous trouvons alors en pleine période impérialiste, et de nombreux spécimens proviennent du commerce avec les colonies ».
Si elle n’est pas la plus riche, la collection zoologique et ses 150 000 spécimens, remporte haut la main la palme de l’attractivité pour le grand public.
Le visiteur déambule entre des fauves au sourire carnassier, un cobra prêt à mordre, des insectes de toutes les couleurs, et un squelette de girafe aux dimensions impressionnantes. N’oublions pas ce sanglier et ce cerf bien de chez nous, ces primates nous apprenant à faire la grimace, et ces modèles pédagogiques en papier mâché, gélatine et métal. « Il n’était pas rare que les taxidermistes meurent d’une infection en manipulant les dépouilles de chair et d’os, avant leur apparition. »
À l’ère de la dématérialisation et de la réalité virtuelle, tous ces spécimens grandeur nature, en fourrure et en os, n’en sont que plus passionnants.
Pas besoin par contre d’ouvrir de grands yeux pour admirer la plus grande collection de puces de France, celle-ci n’est pas visible pour le grand public.
Des collections en évolution constante
« Nous continuons à enrichir les collections », note Marion Lemaire, évoquant la collaboration instaurée en 2007, avec le Conservatoire des arts et métiers.
Les fonds de zoologie, de géologie, de botanique (non visitable) et d’instruments scientifiques ne cessent donc de se développer « pour raconter des choses très actuelles. »
« Il n’est pas rare que l’on accueille un dessinateur en quête d’un modèle ». Sanctuaire des sciences exactes, Rennes 1 n’oublie pas l’art, comme le rappellent ces vingt-cinq tableaux gigantesques réalisés dans les années 1940 par Mathurin Méheut et Yvonne Jean-Haffen pour décorer l’Institut de géologie. « C’est un peu l’ancêtre du 1% artistique* » sourit Marion Lemaire.
« Les spécimens les plus intéressants ne sont pas forcément les bêtes les plus grosses, ou les plus exotiques. » À quelques mètres de l’espace consacré à la zoologie, l’impressionnante collection géologique brosse le portrait robot minéralogique de la Bretagne. Ces pierres de toutes les tailles, de toutes les textures et de toutes les couleurs sont les pièces d’un puzzle nommé Terre. Vertigineux !
Nous laissons ces cailloux semés sur le chemin de l’éternité pour repartir, rêveur, en songeant au destin de Joseph Durocher. Ce géologue français, par ailleurs ingénieur des Ponts et Chaussées, partit en expédition retourner la terre, du Spitzberg au Nicaragua, dans le courant du XIXe. Cet Indiana Jones à la rennaise, sera le premier professeur titulaire de la chaire de géologie et minéralogie de l’Université Rennes 1.
Jean-Baptiste GANDON.
* La disposition légale française dite du « 1 % artistique » institue la création d’œuvres d’artistes-plasticiens contemporains associés à la création architecturale publique.