Rendez-vous à l'Antipode

Sport et culture

Depuis plus de 50 ans, l’Antipode fait vibrer le quartier Cleunay. Une MJC, avec de nombreuses activités pour les enfants et les ados... mais aussi un lieu de travail pour les musiciens, des concerts, des expos... Histoire et vie d'un équipement de quartier aux 1 000 facettes, devenu acteur majeur dans l'animation de la ville, et scène de musiques actuelles reconnue.

- Ça vous tente une soirée Cluedo demain ?
- Ah ouais, on va devoir enquêter et tout, moi je suis chaud !

- Pareil, ça me dit aussi !
- Et sinon, vous venez à la Paillote ? Les enfants prépareront une petite soupe et...
- Une soupe ?! On peut pas plutôt faire un KFC ou un Burger King ?

Eclat de rire général. Un week-end comme un autre, à l'Antipode MJC. Installés dans des canapés, mangeant des bonbons, une dizaine de jeunes tapent la causette dans le hall. Avec eux, Colin, Amine et Léna, les animateurs. « L’accueil informel, c’est un peu là que naissent tous les projets, explique Amine. On parle de tout et de rien, et on mobilise les jeunes sur des temps forts à venir. » Un concept qui fédère : ils sont une quinzaine à se retrouver à l'accueil jeunes, chaque jour. « Sans MJC, on est foutus, s'exclame Nems, 14 ans. Ça nous fait un endroit sympa pour nous retrouver. On discute, on chill... » Et les activités ne manquent pas pour occuper tout ce petit monde pendant le week-end et les vacances. Boxe thaï, jeux, cuisine... Aujourd’hui, c’est couture, avec Léna aux commandes !

Pour certains, l’Antipode, c’est une histoire de famille. On voit passer la grande soeur, qui amène le petit frère, etc. C'est comme une seconde maison.

Colin, animateur
accueil jeune

Au choix : fabrication de tote bag pour les débutants, ou de t-shirts pour les plus aguerris. Taos, 10 ans, pique avec application son tissu imprimé toucan pour en faire un sac. Elle vient « chaque semaine », peu importe le programme. « Dans tous les cas, j’aime bien », sourit la fillette. Nawfel, 16 ans, s’est lui lancé dans la fabrication d’un t-shirt noir. « Une première. » Bon, ça n'est pas du Lagerfeld, mais c'est pas mal pour un début. « C’est un bon moyen de montrer aux jeunes qu’on peut faire de super trucs soi-même avec un peu de patience », sourit Léna, qui guide les apprentis couturiers.

guillemets

Amine, du public à l’animation

Animateur depuis 2016 à l’Antipode, Amine encadre l’accueil jeune. Avant d’être aux manettes, il était côté public.

L’Antipode, je le fréquente depuis mes 12 ans ! J’y venais... pour rien de particulier. En fait j’aimais y retrouver mes potes, discuter de tout et de rien. Après, j’y suis rentré en service civique, j’ai enchaîné sur un CDD et aujourd’hui j'y travaille comme animateur, en alternance. Comme je suis passé de “public” à “animateur”, je me suis pas mal posé la question de la posture, être crédible etc. En fait, ça s’est fait assez naturellement : j’ai mis les choses au clair en arrivant et depuis ça roule tout seul ! Ce qui me plaît c’est le relationnel bien sûr, et le fait de côtoyer les gens du quartier... sachant que je suis moi-même d'ici.

Amine
Amine, à gauche, bien entouré !

Des débuts difficiles

En 1962, l’Antipode n’était pas sorti de terre, mais plutôt posé dessus : des préfabriqués avaient été installés pour commencer l’activité au plus vite, en attendant la construction du bâtiment en dur. Le temporaire durera... dix ans. La faute à des problèmes de financement. La première partie du bâtiment fut construite en 1974 et la seconde (avec la salle de concert) dans les années 1980. 
 

Un lieu de travail

Pendant que les jeunes discutent, on fait de la musique, de l'autre côté de l'Antipode. Chaque année, la structure accueille une trentaine de résidences d'artistes, d'un jour à une semaine. « Dès qu'il n'y a pas de concerts dans la salle, elle est occupée par des musiciens qui ont besoin de travailler leurs créations dans les conditions réelles d'un live, explique Jacques, chargé de développement artistique. Au final, la salle est utilisée quasiment tous les jours. »

casque

12 résidences de création en 2018

calendrier

184 jours d'utilisation de la salle en 2018

note

186 groupes de musique accueillis en 2018

Aujourd’hui, l’artiste Rennais TimSters fait justement des répétitions. « Ici, on peut bosser la mise en place dans de bonnes conditions techniques, commente l’artiste. Il y a de vraies conditions de scène, ça n’est pas comme dans un studio. » Des résidences qui sont aussi parfois l'occasion de rencontres entre artistes. Comme pour Ernesto, Flo et Maxime, qui se lanceront bientôt dans une résidence de cinq jours. « On bosse séparément normalement, même si nous nous sommes déjà croisés sur des concerts. On a commencé la musique plus ou moins au même moment, et on a des similarités : Gaétan [programmateur de l'Antipode] nous a proposé de nous mettre ensemble. » Et ça fonctionne ! Un groupe est né.

résidence
Quand une résidence transforme trois musiciens solos en un groupe !

À louer, studio

Avec ses deux studios de répétition, l'Antipode cumule les avantages pour les musiciens. 28 groupes y répètent à l'année ! À disposition : une batterie, une sono et des box de rangement. « Pratique », « super accueil », « bien installés »... Une fois les portes fermées, pas un son ne passe ! Vu le niveau sonore dégagé par certains, ça vaut mieux.

Tout pour la musique

concert
La salle de l'Antipode peut accueillir jusqu'à 500 spectateurs... du moins quand les groupes ne jouent pas au milieu de la salle.

Chaque année, l'Antipode propose une soixantaine de concerts : l'équipement est labellisé SMAC (scène de musiques actuelles) et membre de la Fédération française des lieux de musiques actuelles. Une activité à part entière donc, et loin d'être amateure. Ouverte aux artistes locaux comme internationaux, la scène a même vu naître quelques célébrités. « On fonctionne comme n'importe quelle salle : des agents nous sollicitent, parfois les artistes viennent vers nous, parfois c’est nous qui allons vers eux. On fait notre marché en tâchant de garder un équilibre entre les styles. Et puis nos studios permettent aussi de repérer quelques talents », explique Gaétan, adjoint de direction musiques actuelles et programmateur.

concert

69 dates de concert en 2018

ici

35 % des artistes programmés sont issus de la Métropole

terre

30 % des artistes programmés sont internationaux

Bourges
Depuis 3 ans, l'Antipode est antenne des Inouïs du Printemps de Bourges. Un nouveau moyen de repérer des talents en devenir ! (Jean-Adrien Morandeau)

« Pour ne pas être en décalage ou se tromper dans la programmation, il faut s'informer », note Gaétan. Une veille qui a mené l'Antipode à diffuser de plus en plus de hip-hop. « En 2009, on a remarqué qu'il y en avait assez peu sur la métropole. On a fait le choix d'aller assez fort là-dessus. Mais l'Antipode n'est pas un lieu hip-hop ou électro : c'est un lieu avec des vigilances, la programmation est variée. » Et parfois, thématique. Cette année, l'Antipode a suivi un fil rouge autour de la Belgique ! « Il faut regarder ailleurs, d'autres horizons ! »

Sans parler de fierté, on a quand même de belles rencontres et quelques beaux artistes à être passés. Agnès Obel, Josh Beck, Orelsan...

Gaétan, programmateur

L'Antipode en vadrouille

Un groupe, un van, du public : chaque année, avec le festival Court-Circuit, l'Antipode invite des musiciens à partir en tournée dans le quartier Cleunay-Courrouze. Instruments dans le coffre et bonne humeur sur les lèvres, pour plusieurs jours de balade musicale. En 2019, le groupe La Battue s'est initié au concept !

Quand l'Antipode fait la classe

praa
Silence dans l'assistance, on enregistre !

« On les laisse jusqu'à la fin les Aaaah ? C'est vous qui me dites ! » Pendus aux lèvres de Marion et Marine, alias Praa, une dizaine d'élèves de CM1 de l'école Champion-de-Cicé. Tous ensemble, ils réalisent une chanson. Simple action culturelle ? Pas vraiment. À la rentrée 2018, Antipode et école se sont jumelés, et multiplient les activités communes. Comme des résidences d'artistes : Bakel et Praa en l'occurrence. Une initiative de la MJC. « On essaye d'être dans la proximité avec les artistes, souligne Jacques, chargé du développement artistique. Cela permet d’imaginer des choses avec eux, dans la transmission et l'action culturelle. Des choses vers lesquelles ils n’iraient pas spontanément. »

Sur six séances, chaque artiste a pour mission de mettre en musique les dessins réalisés par près de 80 élèves de CM1 sur la thématique du voyage. « Quand l'Antipode nous a fait la proposition, on a tout de suite accepté : cela nous sort de notre travail, et c'est agréable de travailler avec les enfants », sourit Marion. Aujourd'hui, ce sont les derniers ajustements. Démo de mixage, ultime prise au micro, petits calages. Les enfants sont à fond. « Mais on l'entend pas assez l'avion », grogne Axel. « Bah si, on l'entend même trop », rétorquent les autres. Comme à chaque fois, on vote, et on compose en essayant de faire plaisir à tous. Une activité gadget ? « J'avais des enfants peu sensibilités à la musique, et qui prennent ça plus au sérieux désormais, souligne Mathilde, l'institutrice. Et puis c'est transversal : musique, art plastique, français. Cela permet aux enfants de s'exprimer autrement. »

À noter

L’Antipode propose des ateliers périscolaires (de pratiques artistiques et de découverte) dans quatre groupes scolaires (Champion-de-Cicé, Carpentier, Mauconseil et Moulin-du-Comte), toute l'année.

Une MJC, ce n’est pas du macramé et de la poterie. Le modèle a été pas mal ringardisé mais c’est un modèle d’avenir. C’est un projet qui se construit avec les gens, sur le territoire.

Thierry Ménager, directeur de l'Antipode MJC

Mais au fait, pourquoi l’Antipode s’appelle-t-elle l’Antipode ?

Antipode. nom masculin. Lieu de la Terre diamétralement opposé à un autre lieu.
L’Antipode MJC ne s’appelle pas ainsi depuis sa création : auparavant, c’était la MJC Cleunay. Changer de nom était lié à une recherche de reconnaissance pour cette scène musicale naissante. Et au moment de le choisir, Thierry Ménager et son équipe ont fait le choix du... bon référencement ! Eh oui, prérequis du nom : il devait commencer par un A, pour être en tête dans l'annuaire et dans les listes. L’Antipode sonnait bien... et l’histoire s’arrête là.

Voir l'Antipode en couleurs

L'Antipode, c'est aussi des expos : une dizaine chaque année, entre fresques murales et expositions intérieures, en lien avec la programmation musicale ou les animations de la MJC.  Aujourd'hui, le photographe Olivier Donnet est justement occupé à tapisser le bar, « une installation qui restera ». Sur les murs, des dizaines de photos d'artistes, prises juste après leur concert. Son projet, One Minut After, il le poursuit depuis 12 ans ! Bonjour Pete Doherty, Philippe Katerine ou Les Kills. « Le rendu est un peu crade, pas lisse, c'est ce que j'aime, s'amuse l'artiste, qui voyage un peu partout dans le monde. J'expose là où il y a de la musique, comme dans des festivals. Ici, ça s'y prête bien aussi, et puis c'est toujours sympa de découvrir un nouveau lieu : Rennes, c'est la première fois. »

installation
Le bar de l'Antipode, en cours de relooking

Les artistes que nous sollicitons pour les expos se font parfois directement connaître par le biais de nos ateliers ou des animateurs. Nous ouvrons les yeux et les oreilles 

Eva, chargée d'action culturelle

Si l'Antipode MJC a vu passer quelques artistes de renommée européenne, voire internationale, les artistes émergents restent une bonne part de la programmation du lieu. « On en sollicite, et on accueille aussi des propositions qui nous sont faites », détaille Eva, chargée d'action culturelle. Le tout, « sans critères précis, si ce n'est une attention particulière à ce qui se fait sur notre territoire »

Et comme dans n'importe quelle galerie, il faut parfois mettre la main à la pâte. « Quand les artistes ne peuvent pas faire l'installation, on s'en charge », sourit Eva, justement occupée à accrocher les oeuvres du street-artist Jaune, exposé dans le cadre d'Urbaines. Avantage de l'Antipode : il n'est pas compliqué de trouver quelques petites recrues pour participer ! Comme Berfin, 9 ans « et demi », autoproclamée « assistante pour accrocher l’expo ».

expo
Un peu plus à droite... un peu plus à gauche... Berfin, 9 ans et demi, est « assistante pour accrocher l'expo »
fresque

2 fresques murales chaque année

expo

8 expositions chaque année

Après l'école, le réconfort

cuisine
Jusqu'ici, on suit la recette. Cela ne va pas durer...

Après les cours, c'est atelier cuisine à l'Antipode pour les écoliers de 4 à 12 ans ! Enfin, cuisine, mais pas que. « Il y a aussi de la guitare, de la danse, des arts plastiques..., développe Valentin, animateur. Les enfants s'inscrivent au trimestre pour l'activité d'expression artistique de leur choix. » Et le choix de Romane, Kenza, Lia et Léa, quatre copines de neuf ans, c'est la cuisine ! Elles se retrouvent ici après l'école. « Déjà moi j'aime bien, et on a fait des trucs trop bons, des madeleines et du gâteau au carottes », avance Kenza. Aujourd'hui, c'est crumble aux pommes, et ça patouille sec. « Je veux rajouter du sucre glace dans la recette », improvise Lia en joignant le geste à la parole. « Non mais... ça ne sera pas bon, regarde ta pâte », se désole Valentin. Axel, lui, a déjà bouloté une bonne partie de ses morceaux de pomme et regarde avec tristesse les ramequins des autres. Dans le fond du sien, deux misérables morceaux se battent en duel. « Bon, on partage un peu avec Axel qui a tout mangé », incite l'animateur. Dans un joyeux brouhaha, la recette se termine et chacun emballe son ramequin pour le ramener... à la maison. Bonne dégustation aux parents !

La Passerelle

Pour les 10-13 ans, l'Antipode a mis en place un accueil dédié le mercredi après-midi : la Passerelle. Fabrication de karts en bois, restaurant éphémère, jeux de rôles... Ici, les jeunes réalisent LEURS projets et apprennent à devenir plus autonomes ! Un bon moyen de faire la transition entre l'accueil de loisirs et l'accueil jeunes.

Des activités pour tous

ciné

« Tu as fait les mains Titouan ? Jeanne, à toi, ferme lui la bouche et tourne ses bras. Non mais Taos, tu massacres ton bonhomme, là, concentre toi... », guide Frédérique, animatrice. Bienvenue à l'atelier cinéma d'animation ! Tout au long de l'année, l'Antipode propose d'innombrables activités au public. Danse, théâtre, éveil musical... ou encore cinéma d'animation, donc. Le groupe travaille autour des légendes japonaises. « On fait du dessin, du modelage, les prises vidéo, l'animation... » Et chaque enfant peut inventer sa propre histoire : c'est d'ailleurs ce que préfère Jeanne, dix ans, qui vient depuis trois ans. « Moi je préfère plutôt l'animation, rebondit Louise. Et puis faire les personnages, aussi. » Et le résultat est loin d'être ridicule : « l'année dernière, on a gagné un prix vidéo jeunesse. On montre aussi nos films à Courts en Betton, catégorie atelier », explique Frédérique. Tout le monde peut venir ?! « Ah non, c'est pour les 8-13 ans. Mais on propose aussi des cours d'arts plastiques pour les adultes ! » Avis aux intéressés.

Pas de jaloux

Envie de vous lancer ? Les activités de l'Antipode ne sont pas réservées qu'aux enfants : les adultes ont aussi leur programmation. Modern jazz, pilates, théâtre, cours de guitare, yoga... Difficile de ne pas trouver son bonheur !
 

Urbaines, quand la MJC monte son festival

Depuis plus de 10 ans, l'Antipode a son festival : Urbaines. Un condensé de cultures urbaines, mix de concerts, d'expos et d'animations, ouvert sur toute la ville, qui valorise les pratiques émergentes et invite à la curiosité. Projections, stages, ateliers, musique, rencontres... Tour d'horizon, en images, de cet emblématique festival rennais !

Etonnante bibliothèque

À l'étage de l'Antipode se niche la bibliothèque du quartier Cleunay. « De mémoire, les deux équipements ont toujours été liés », note Marylène Dombrat, responsable des bibliothèques. Ici, c'est le paradis des livres, des CD, des DVD, des journaux, des animations... Mais le véritable atout de la bibliothèque se cache en réalité dans son avenir. En 2020, elle déménagera avec l'Antipode et gagnera en surface. Plus de livres ? Plus de magazines ?  « On ne pense pas augmenter les collections, tranche Marylène Dombrat. Par contre, on développera de nouveaux services, en lien avec l'orientation musicale de l'Antipode. » À quoi vous attendre ? Jouez pour le découvrir !

doc

26 000 documents disponibles (livres, BD, DVD, CD...)

bibli

36 000 visiteurs en 2018

prêt

65 000 prêts de documents, en 2018

café citoyen à l'Antipode
Ce soir et comme tous les 15 jours, c'est café citoyen à l'Antipode. Des rendez-vous construits en transversalité, que ça soit dans l'équipement avec la bibliothèque, ou dans le quartier, avec le centre social par exemple.

L'Antipode de demain

antipode
Vue du futur Antipode MJC (Dominique Coulon)

En 2021, l’équipement de quartier Cleunay s’installera à la Courrouze, pour prendre une nouvelle dimension (4 900 m² tout de même). Le nouvel Antipode sera équipé d’un espace numérique, d’un auditorium ou encore d’un kiosque de presse, et regroupera une scène de musiques actuelles, une MJC et une bibliothèque de quartier. Comme aujourd'hui... mais en plus grand ! Ce qui permettra notamment à la salle de concert de se positionner au niveau national. Un bond en avant pour cet équipement rennais emblématique, bien parti pour retrouver une seconde jeunesse.

Texte : J. D.
Photos : R. Volante (sauf mention contraire)

Pour tout savoir de l'Antipode MJC, direction son site internet.